« Alimentation senior : quelles stratégies pour mobiliser le fort potentiel du marché ? Perspectives 2025 et stratégies des acteurs sur les segments de l'alimentation seniors grand public et du foodservice »
Les plus de 65 ans ont dépensé en 2021 près de 43 milliards d'euros en alimentation tous circuits confondus, soit près de 30% de la consommation alimentaire des Français alors qu'ils pèsent moins de 21% de la population. Dans les grandes surfaces alimentaires (GSA), ils représentent déjà près d'un achat sur deux. Et la consommation de ces seniors progressera au rythme de 3,5% par an pour s'établir à 49 milliards d'euros d'ici 2025 (près d'un tiers du marché en valeur), pronostiquent les experts de Xerfi Precepta. Et avec le marché du foodservice (portage de repas, restauration en établissements de santé...), il dépassera les 52 milliards d'euros. Un revenu disponible supérieur à la moyenne, des arbitrages de consommation favorables à l'alimentaire et davantage de repas pris à domicile expliquent cette surconsommation des seniors. Le vieillissement de la population bouscule l'ensemble de la filière alimentaire : industriels, distributeurs et spécialistes du foodservice. Si dans les établissements de santé, ce phénomène est bien connu des acteurs de la restauration collective et de la nutrition clinique, le potentiel de la silver food semble sous-exploité par les grandes marques et les distributeurs. Et les stratégies de conquête demeurent balbutiantes. Les premières testent de nouveaux packagings, redimensionnent leurs produits ou se lancent à l'export pour trouver de nouveaux débouchés quand les seconds parient plutôt sur les services (livraison gratuite ou caisses lentes).
Sur les 43 milliards d'euros dépensés en 2021 par les plus de 65 ans, 11 milliards concernent des produits fortement exposés à la demande des seniors. Les experts de Xerfi-Precepta ont distingué trois grands profils de produits. Les produits à effet de cycle de vie dominant se caractérisent par une surconsommation de certaines tranches d'âge pour des raisons spécifiques à leur âge, et non à une génération. C'est par exemple le cas des produits de la mer, surconsommés par les seniors à la fois pour des raisons de pouvoir d'achat et de besoins nutritionnels (Oméga 3). C'est également le cas des fruits frais. Toutes choses égales par ailleurs, l'essor de la population senior a un effet positif sur ses produits.
Les produits à effet de génération dominant se caractérisent eux par une forte surconsommation des tranches d'âge les plus élevées, attribuable aux goûts et habitudes alimentaires liées à une génération. Ces produits générationnels correspondent sans surprise à des filières en difficultés parmi lesquelles la filière vin qui doit composer avec une baisse structurelle de la consommation sur le marché domestique mais aussi les filières cunicoles ou ovines. Pour ces industriels, il devient urgent d'activer les leviers permettant un repositionnement stratégique de leur offre. Enfin, les produits « spécifiques » sont explicitement ou implicitement destinés aux seniors par le biais d'allégations apportant un bénéfice réel ou supposé pour leur santé (yaourts hyperprotéinés, au bifidus, ou encore céréales « équilibre »).
Tout l'enjeu pour les industriels est donc d'enrayer le déclin des ventes de produits générationnels, de se positionner sur les produits cycle de vie et de recruter des consommateurs seniors à travers une offre spécifique et différenciante mais non stigmatisante.
Cible marketing complexe, hétérogène, évolutive et réfractaire à la stigmatisation, la population des seniors est en effets difficile à appréhender. Certains industriels s'y sont néanmoins aventurés en proposant des produits spécifiques à l'image de Lactalis avec Jour après Jour, Capital Calcium et Lactel Primevère, ou de Sodiaal avec ses références Candia Protéines et Candia Calcium Plus. Néanmoins, seules les initiatives concernant les formats ont survécu, à l'image de la gamme Petit Appétit de Bigard, entre autres.
En réalité, c'est surtout du côté des services que de nombreux leviers restent à actionner pour gagner des parts de marché sur cette tranche de la population. Les distributeurs redoublent d'ailleurs d'efforts pour les séduire, avec par exemple le déploiement des « caisses lentes » permettant de dialoguer avec un employé (apparues chez Carrefour, Auchan et Système U en 2020) ou en proposant des facilités de livraison (tarifs préférentiels pour les seniors, assistance téléphonique, voire même robots porteurs de courses comme aux Etats-Unis).
Les acteurs du foodservice à la manœuvre
Le virage serviciel de l'alimentation est désormais une réalité qui se manifeste entre autres par la multiplication des nouveaux concepts de livraison (courses, repas) et par les gains de parts de marché de la restauration hors foyer face au commerce de détail. Dans ce nouveau contexte, les générations du baby boom représentent une cible stratégique de l'alimentation servicielle. Et toutes les conditions semblent réunies pour le développement du marché de l'alimentation senior en foodservice (potentiel de marché considérable, diffusion progressive des pratiques d'achat en ligne, volontée de maintien à domicile des personnes âgées).
Le marché du portage de repas (avec des réseaux comme Les Menus Services, Saveurs et Vie ou Appétits & Associés) devrait ainsi passer à la vitesse supérieure. Avec une hausse d'environ 2% par an moyenne, celui-ci devrait atteindre 560 millions d'euros à l'horizon 2025 (520 millions environ en 2021), d'après les experts de Xerfi Precepta. Les sociétés de restauration collective (Sodexo, Elior ou Compass) se sont, elles, engouffrées dans le secteur des établissements de santé où les patients requièrent la plus grande attention sur le plan nutritionnel (dénutrition, déshydratation, troubles de la mastication et de la déglutition...). Mais si les perspectives sont réelles, les exigences sont aussi nombreuses sur ce marché.
Auteur de l'étude : Matteo Neri
Suivre les tendances et le marché des services aux personnes âgées et des maisons de retraite, parfois qualifié "d'or gris". Démographie, nouveaux acteurs, évolution des investissements dans ce domaine, les nouvelles contraintes administratives ...