Projet de Loi de Santé et Service Public Hospitalier

Les représentants de la communauté hospitalière expriment leur vive inquiétude sur l'évolution de ce projet.

Publié le 28 janvier 2015

Le 13 janvier 2015, un courrier commun FHF / Conférences a été adressé à la Ministre de la Santé à propos du projet de loi de santé.
La FHF publie la réponse de la ministre, en date du 26 janvier 2015.

Courrier FHF / Conférences

Madame Marisol TOURAINE
Ministre des Affaires Sociale, de la Santé et
des Droits des femmes
14 avenue Duquesne
75350 PARIS 07 SP

Paris, le 13 janvier 2015

Objet : Evolution du projet de loi de santé et conséquences sur le Service Public Hospitalier

Madame la Ministre,

Dès le lancement de la stratégie nationale de santé, les représentants de la communauté hospitalière publique vous ont apporté leur soutien pour engager une transformation en profondeur de notre système de santé. L'enjeu d'un meilleur accès aux soins, d'une politique de prévention renforcée, d'un hôpital davantage ouvert sur son environnement mais aussi plus efficient sont en effet autant de défis majeurs auxquels les hôpitaux publics contribuent sans relâche.

Pour cela, vous avez fait de la réaffirmation du Service Public Hospitalier un point central de votre action et de vos engagements, ce qui vous avait valu les applaudissements unanimes de la communauté hospitalière, réunie en mai 2012, à l'occasion du salon Hôpital Expo.

Loin d'une vision dogmatique et exclusive, la communauté hospitalière n'a de cesse de défendre la vision d'un service public moderne et ouvert, pouvant associer, le cas échéant et sous certaines conditions strictes, d'autres acteurs, notamment privés. Le Pacte de confiance que vous avez proposé pour l'Hôpital s'inscrivait dans cette vision et c'est donc naturellement que vous avez reçu notre soutien lors de l'élaboration du projet de loi de santé, en dépit d'un certain nombre de points de désaccords sur ce texte. Pour nous en effet, l'essentiel est bien de réaffirmer le Service Public Hospitalier, de lui donner sens et de sortir d'une vision dans laquelle la santé est un marché comme les autres.

Aujourd'hui, Madame la Ministre, nous devons vous faire part de notre vive inquiétude devant l'évolution de votre projet de loi, au gré des négociations que vous menez avec les différents acteurs du monde de la santé. Nous ne pouvons en effet qu'être interrogés par le résultat de ces négociations car elles portent en elles le germe d'un démantèlement du Service Public Hospitalier, qui pourrait automatiquement être attribué à toute clinique commerciale exerçant une activité d'urgence.

Pour les représentants de la communauté hospitalière signataires du présent courrier, il va de soi que le Service Public ne peut être résumé à la seule mission d'urgence. Seuls les établissements publics sont, par nature, garants du Service Public, dans toute son acception et sa globalité. Les risques que fait courir le projet de loi de santé quant au Service Public, à son exercice et à son financement nous conduisent à vous alerter sur la gravité de la situation et à vous demander des garanties propres à éviter son démantèlement :

  • Nous souhaitons, en premier lieu, que le projet de loi précise clairement que les cliniques exerçant une mission d'urgence peuvent certes être associées au Service Public, mais, dans ce cas, pour cette seule mission exclusive. En d'autres termes, nous attendons que la Loi énonce clairement que les cliniques autorisées à exercer des urgences générales ou spécialisées ne puissent pas se prévaloir du « label Service Public » de ce seul fait ce qui serait de nature à induire en erreur nos concitoyens. La jurisprudence constante du Conseil d'Etat rappelle qu'une clinique exerçant une mission d'intérêt général, en l'occurrence une mission d'accueil des urgences, ne peut en aucun cas être automatiquement qualifiée de Service Public, contrairement à ce que l'accord que vous avez passé avec la FHP laisse entendre.

  • En outre, il va de soi qu'une participation des cliniques au Service Public ne pourrait être envisagée qu'en cas de carence constatée dans l'offre de soins sur un territoire, après analyse contradictoire de l'offre de soins et des besoins de santé. La loi de santé ne doit en effet pas se traduire par une augmentation du nombre de services d'urgences privés autorisés, l'offre actuelle étant déjà largement suffisante.

  • Nous attendons, par ailleurs, que les exigences posées par le projet de loi soient immédiatement opposables aux services d'urgences des cliniques commerciales. A cet effet nous demandons que les autorisations déjà accordées aux établissements privés soient revues à l'aune des critères de Service Public, avant toute autorisation de poursuite de la mission d'accueil des urgences.

  • Enfin et surtout la question du contrôle du respect des obligations de Service Public demeure entière. A ce jour, nous constatons qu'aucun dispositif de contrôle ne garantit le respect des critères de Service Public, permettant à certains établissements lucratifs) alors même qu'ils sont financés quasi intégralement par des deniers publics, de sélectionner patients, pathologies et clientèles, et de pratiquer de lourds dépassements d'honoraires.
    Le projet de loi doit donc inventer un nouveau modèle de contrôle, réel et efficace, qui devra associer les représentants des patients mais également les établissements publics de santé du territoire, par essence seuls garants du Service Public Hospitalier. Comme le rappelle le Conseil d'Etat dans une étude de décembre 2013, la question du contrôle de l'exercice des activités d'intérêt général est un point fondamental qui ne peut être satisfait comme c'est le cas aujourd'hui, par le seul régime des autorisations. Pour le Conseil d'Etat, le contrôle de la puissance publique doit ainsi lui permettre de « définir les objectifs poursuivis, de préciser le contenu des prestations offertes, de vérifier la façon dont l'organisme privé assume la satisfaction des besoins identifiés et d'adapter l'activité en conséquence ».


Madame la Ministre, les hospitaliers publics attendent de votre part que vous leur apportiez des garanties fortes et claires, de nature à les rassurer sur la volonté du gouvernement de ne pas affaiblir ni démanteler le Service Public Hospitalier. Sans de telles garanties et sans des réponses fermes et précises aux points que nous soulevons dans la présente, nous n'aurions d'autre choix que de demander le retrait du projet de loi, l'essentiel étant pour nous en cause.

Nous vous prions de croire, Madame la Ministre, en l'assurance de notre haute considération.

Frédéric VALLETOUX, Président de la Fédération hospitalière de France
Philippe DOMY, Président de la Conférence des directeurs de CHU
Pr Guy MOULIN, Président de la Conférence des Pdts de CME de CHU
Denis FRECHOU, Président de la Conférence des directeurs de CH
Frédéric MARTINEAU, Président de la Conférence des Pdts de CME de CH
Christian MULLER, Président de la Conférence des Pdts de CME de CHS

Courrier de réponse de Marisol TOURAINE, Ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes

Ce courrier est présenté ci-dessous.


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