CREADOL médiation artistique au CHU de St- Etienne contre la douleur chronique

Des ateliers de médiations artistiques au profit de personnes souffrant de douleurs chroniques au centre d’évaluation et de traitement de la douleur (CETD) du CHU de Saint-Etienne.

Publié le 02 février 2022
© Anne Jalard

© Anne Jalard


Au centre de la douleur du CHU de Saint- Etienne, des patients souffrant de douleurs chroniques participent à des ateliers de médiation artistique. Cette « stratégie de remobilisation » est intéressante pour le patient pour l'écoute, le plaisir, la détente procurée par la création, le jeu, le travail de la matière. La dimension sociale et conviviale au travers de l'expression de groupe est primordiale.

Dans les situations de dépression, d'isolement et de perte de l'estime de soi souvent liés à la maladie chronique, les ateliers de médiation artistique constituent un tremplin pour le patient et permet aux soignants d'offrir un lieu d'accompagnement hebdomadaire de la douleur.

La Fondation APICIL a soutenu en 2020 la mise en œuvre de ce projet « CréADOL » à hauteur de 8 600€ aux côtés du Centre d'Evaluation et de Traitement de la Douleur du CHU de Saint-Etienne.

Décentrer sa douleur et changer son rapport à la maladie

Depuis 2015, Anne Jalard, Art-thérapeute, met en place régulièrement des ateliers d'art plastique de médiation artistique au Centre d'Évaluation et de Traitement de la douleur (CETD) du CHU de St Etienne.

En 2017, ces ateliers se sont élargis en associant aux précédents un atelier-théâtre organisée par Camille Chaslot, Art-thérapeute. Cette nouvelle activité « CréADOL » permet de toucher plus de patients (suivi de 16 patients en 2017 et en 2018).

« CréADOL » a permis de maintenir la continuité de cette proposition du CETD. Une proposition intéressante à la fois pour l'équipe soignante qui peut offrir un lieu d'accompagnement de la douleur nécessaire dans les situations de dépression, d'isolement, et enrichissante pour les participants qui y trouvent toujours un bénéfice pour leur santé psychique et physique.

Méthodologie

Objectif du projet

Ce projet a été mis en place afin d'apporter joie et plaisir de créer, de permettre aux patients de se détendre, de lâcher-prise et d'expérimenter le plaisir d'être ensemble et d'échanger avec ses pairs. Ce projet a également pour but de développer l'imagination, la créativité des patients, d'exprimer leurs pensées, leurs inquiétudes grâce à l'expression corporelle ou picturale.

« CréADOL » c'est aussi prendre l'habitude et faire l'effort de sortir de chez soi, chaque semaine et de travailler sur le regard des autres et son propre regard sur soi.

Bénéficiaires du projet

A ce jour, plus de trente patients ont bénéficié de séances d'art- thérapie au CETD ; 12 patients ont pu être inclus dans le projet CréADOL en 2020* .

Ce sont des patients suivis au CETD quel que soit leur type de douleurs chroniques : cervicalgies, lombalgies, douleurs neurologiques, SDRC, cancers, viscérales ou abdominales, migraines, fibromyalgie...

Les patients inclus ont bénéficié de synthèses (RCP) au cours desquelles l'une des situations suivantes a été évoquée en lien avec la douleur chronique :

  • Vécu d'isolement important,
  • Mise à mal des relations familiales et sociales,
  • Perte d'estime de soi et/ou perte d'élan vital, état dépressif.

« Je me suis vraiment amusé. J'ai oublié mes douleurs lors de chaque atelier. Je ressens une différence dans la façon d'aborder mes douleurs, à savoir les apprivoiser en ne restant pas collé à celles-ci mais en m'ouvrant davantage sur l'extérieur, en pratiquant la marche par exemple. Je sais maintenant qu'il est possible de ressentir moins fortement mes douleurs si je trouve une occupation. J'ai appris à me détendre pour diminuer mes douleurs, les calmer, les apaiser. »

Témoignage d'un patient

Équipe à l'origine du projet

  • Christelle Créac'h, Neurologue et chef de service du CETD ; Responsable de la coordination du projet avec l'ensemble de l'équipe soignante du service et en particulier des synthèses effectuées lors des Réunions de Concertation Pluri-Disciplinaires du CETD.
  • Anne Jalard, Ex-institutrice en passant par une licence de biologie. Art-thérapeute, diplômée du Diplôme Universitaire « Soin Psychique, créativité et expression artistique » délivré par l'institut de psychologie de l'université Lumière Lyon 2 ; Responsable de la coordination et de la mise en place du projet, animatrice des temps d'atelier peinture auprès des patients.
  • Camille Chaslot, Comédienne et metteur en scène auprès de publics variés. Art-thérapeute, diplômée du Diplôme Universitaire « Soin Psychique, créativité et expression artistique » délivré par l'institut de psychologie de l'université Lumière Lyon 2 ; Responsable de la coordination et de la mise en place du projet, animatrice des temps d'atelier théâtre auprès des patients.
  • Jessica Manzanarès, Psychologue clinicienne du CETD. Responsable de la supervision des séances et de la compréhension des mécanismes en jeu dans les ateliers, co-acteur de la coordination des soins psychiques au sein du CETD,
  • Les médecins et psychologues du CETD participent aux indications de patients dans les ateliers artistiques et la réflexion menée par l'équipe sur la pertinence des ateliers dans le parcours de soin.

Déroulé du projet

Le projet s'est déroulé en 2020 en deux parties.

Le recrutement et les entretiens ont eu lieu en janvier 2020 pour constituer deux groupes de 6 patients (groupes réduits pour respecter les mesures sanitaires du gouvernement).

  • 1er mois : Prise de contact des patients désireux de participer aux ateliers sur prescription des médecins du CETD, entretien individuel des participants et engagements par la rédaction des objectifs personnels. Remplissage des différents questionnaires. Constitution des groupes théâtre et peinture.
  • Fin du 1er mois : Début des séances (2h de théâtre/peinture).
  • Du 1er au 6ème mois : 14 séances dont une sortie culturelle au musée ou au théâtre, supervision régulière par la psychologue du service, Jessica Manzanarès.
  • 6ème mois : Présentation artistique ouverte à tous (famille, médecin, patient, grand public), sous la forme d'une exposition ou d'un spectacle, en présence et avec la participation des patients volontaires. Remplissage des questionnaires et bilan du 1er groupe. Échange/ réflexion/ajustement de l'accompagnement des ateliers avec l'équipe soignante

Même protocole pour les 6 derniers mois avec le deuxième groupe de 6 patients.

Bénéfices du projet

Ces ateliers constituent un espace-temps de relationnel, d'expression, d'écoute et de bienveillance. Le besoin du patient d'être entendu, regardé, reconnu comme une personne y est spécialement pris en compte.

Les ateliers offrent un temps d'échange suffisamment long et privilégié pour que des changements aient le temps de se produire et pour que le sujet atteint de douleur chronique se sente reconnu, non comme un patient, mais comme une personne à part entière dans sa globalité : tête-corps-cœur, avec ses émotions, ses ressentis, ses pensées, ses inquiétudes...

Créer, peindre, modeler en groupe apaiserait la douleur chez les personnes souffrant de douleurs chroniques. L'état dépressif lié à la douleur bloque les processus de pensée. La création permet la remise en route des processus psychiques tels que la créativité, l'associativité, l'imaginaire, la symbolisation.

« Ces ateliers ont contribué à un mieux-être non seulement psychique mais aussi social et souvent, ils ont permis une diminution du ressenti de la douleur. Un an après, certains peuvent encore témoigner des bienfaits. Cette expérience d'atelier nécessite d'être encore approfondie, mais elle donne d'ores et déjà des pistes intéressantes à creuser pour la prise en charge de la douleur. Par cette approche multifactorielle, chaque patient peut trouver une dimension dont il a besoin : dimension sociale, créative, de plaisir, affective, sensorielle.

Les ateliers constituent alors un élan, un tremplin, un trait d'union entre le soin à l'hôpital et le « prendre soin de soi » à l'extérieur, de manière plus autonome. Ils permettent de sortir du cercle vicieux (plus j'ai mal, plus je m'isole, plus j'ai mal...). D'autres patients retrouvent une dynamique, un goût de vivre dans le plaisir de créer, de jouer, d'imaginer, de rêver. »

Dr Christelle Créac'h, Neurologue et chef de service du CETD du CHU de Saint-Etienne

Mesure de l'impact

Les patients volontaires ont complété des grilles d'évaluation et des questionnaires de la douleur habituellement utilisée au CETD. Ces grilles évaluent la douleur (fréquence, intensité, localisation) et les conséquences de la douleur dans leur vie quotidienne (perte d'emploi, isolement, difficulté de transport, inquiétude, etc.). Les données obtenues sont évaluées au début et à la fin des ateliers. En plus de ces évaluations quantitatives, les patients ont complété des échelles de bien-être et de satisfaction à chaque séance. L'observation des art- thérapeutes basée sur une observation clinique et supervisée par la psychologue du service a permis d'appuyer les changements perçus chez les patients. Les patients ont pu évaluer la pertinence du dispositif par une séance-bilan au cours de laquelle ils ont échangé en groupe.

Dans les questionnaires, sont pris en compte :

  • L'intensité de la douleur et des conséquences de la douleur mesurées à partir des EVN (échelle visuelle numérique) du Questionnaire Concis de la Douleur (QCD)
  • La dimension anxio-dépressive évaluée à partir de l'échelle HAD
  • Les scores sensoriels et émotionnels de la douleur évalués à partir du QDSA
  • Le retentissement de la douleur sur les pensées (catastrophisme PCS)
  • Le rapport au travail (recherche, reprise...) La prise des médicaments
  • La reprise d'activités extérieures significatives pour le patient L'échelle subjective de perception d'amélioration en 7 points (PGIC de -3 très aggravé à +3 très amélioré)

« Toujours dans une démarche active de lutte contre la douleur physique et psychique à tous les âges de la vie, la Fondation APICIL constitue un tremplin pour des projets tel que celui de Créadol. Elle permet de développer et pérenniser cette approche de thérapie complémentaire, véritable trait d'union entre le soin à l'hôpital et le « prendre soin de soi » à l'extérieur.»

Nathalie Aulnette, Directrice de la Fondation APICIL


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