Deux ans après sa publication, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a exercé son « droit de suite » à son rapport d'information de mars 2022 sur les inégalités territoriales d'accès aux soins, qui dressait déjà un état des lieux fort sombre et implacable mais proposait des solutions ambitieuses pour répondre à cet enjeu de santé majeur ( Jean-François Longeot - Président Sénateur du Doubs & Bruno Rojouan - Rapporteur Sénateur de l'Allier ).
Après une audition de plus de 70 personnes, acteurs du système de santé, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable fait de nouvelles recommandations pour continuer à améliorer l'accès aux soins pour tous les citoyens.
1. Cibler des solutions adaptées aux zones les moins bien dotées,
2. Accentuer les transferts de compétences des médecins vers les autres professions de santé
3. Renforcer les efforts d'augmentation et de territorialisation des capacités de formation en santé
· En 2024 31% des médecins généralistes ont plus de 60 ans (contre 24% en 2018)
· Dans 22 départements, on recense moins de 5 cardiologues en activité
· Dans 37 départements, on recense moins de 5 dermatologues en activité
· En moyenne on recense 1 dentiste pour 1600 habitants en France
· 42 jours en moyenne pour avoir accès à un cardiologue
· Dans certaines zones, il faut attendre 18 mois pour avoir un rendez-vous chez un orthophoniste
· En fonction du lieu de vie, un rendez-vous avec un ophtalmologue s'obtient entre 8 et 123 jours
· En fonction du lieu de vie, un rendez-vous avec un pédiatre s'obtient entre 1 et 97 jours
Depuis le précédent rapport de cette commission, la France a perdu 2500 praticiens faisant passer la barre sous les 100 000, avec 92500 praticiens en exercice.
Aller vers la régulation progressive des différents métiers de santé ?
Afin de remédier à l'inégale répartition des soignants sur le territoire, plusieurs professions ont fini par accepter une régulation de leur installation :
A ce jour les infirmiers, les chirurgiens-dentistes (en 2023), les sages femmes ou encore les kinésithérapeutes ont accepté de se plier à des contraintes d'installation en zone déficitaires définies dans des conventions signées avec leur syndicat représentatif respectif.
Les médecins ne sont pas contraints à ce jour et le sujet reste « tabou ». De toute façon, comme le note la commission sénatoriale, cela n'aurait que peu d'effet car le chiffre du nombre de médecins en exercice qui va continuer à baisser avant que l'effet de l'augmentation du numerus clausus en faculté de médecine porte ses fruits sur la démographie médicale.
Ils sont censés dégager du temps pour les médecins en les déchargeant des tâches administratives.
L'objectif était d'atteindre 10 000 assistants médicaux en exercice à fin 2024. On était à 7629 contrats signé à fin Aout 2024.
On notera un « bug » dans l'utilisation de cet atout. Alors que l'on pousse au développement des maisons de santé pluriprofessionnelles, ces dernières ne peuvent bénéficier des aides au recrutement d'assistants médicaux. On se rapproche des 2500 MSP !
Cf notre explorateur du nombre de Maisons de Santé Pluriprofessionnelles et nombre de Centres de Santé selon les années et les départements
La démarche qui a donné lieu à l'extension des compétences de plusieurs métiers de santé doit être poursuivie.
Quelques exemples de délégations de compétences opérationnelles :
· Les sages femmes qui peuvent faire des prescriptions ou intervenir dans les interruptions de grossesses.
· L'accès direct aux kinésithérapeutes sous condition (même si cela ne représente que 5% à ce jour)
· Les pharmaciens qui peuvent renouveler des ordonnances, réaliser certaines prescriptions ou encore vacciner.
· Les infirmiers peuvent délivrer des certificats de décès. Les IPA, infirmiers en pratique avancée, remplissent désormais des fonctions clefs dans le suivi médical du patient, notamment pour les pathologies chroniques et stabilisées.
Il faut continuer sur cet axe et aller plus loin.
La télémédecine n'a pas à ce jour atteint sa cible, à savoir les patients sans médecin traitant. Il faut favoriser le déploiement de ces postes de télémédecine dans les pharmacies rurales, souvent en difficulté faute de médecin installé en proximité et renforcer ainsi le modèle économique de ces structures menacées de disparition, en favorisant la téléconsultation assistée par un professionnel de santé, ici le pharmacien.
Les sénateurs font le constat que la réforme LASS / PASS n'a pas conduit au choc d'offre attendu. D'après une récente étude de l'Insee, un médecin généraliste sur deux s'installe près de là où il a grandi. Si on analyse la population des étudiants en médecine, ils sont peu à venir de ces territoires sous doté en médecin. D'où l'idée des sénateurs d'instaurer un quota de 15% d'étudiant en provenance de ces territoires sous dotés.
Vous trouverez ci-après la synthèse des 38 propositions des sénateurs pour améliorer l'accès aux soins des Français.
Proposition 1 : Subordonner l'installation de nouveaux médecins dans les zones médicalement les mieux dotées à un exercice avancé à temps partiel dans les zones les moins bien dotées.
Confier à la profession le soin de définir les modalités de cette obligation, le législateur ne devant intervenir qu'en dernier recours, à titre subsidiaire.
Proposition 2 : Évaluer systématiquement les effets des aides financières accordées aux professionnels de santé exerçant dans les zones sous-dotées et conditionner leur maintien à leur efficacité.
Proposition 3 : Évaluer systématiquement les effets des dispositifs de régulation de l'installation des professionnels de santé.
Proposition 4 : Mieux cibler le remboursement de la téléconsultation aux consultations en incluant uniquement :
- les soins non programmés avec son médecin traitant ou un autre médecin si l'urgence est constatée par un médecin régulateur d'un SAS ou de la PDSA ;
- les soins programmés avec son médecin traitant uniquement, ou un autre médecin dans le cadre du parcours de soins, et seulement avec l'assistance d'un autre professionnel de santé.
Proposition 5 : Mieux calibrer les aides à l'installation et au fonctionnement des cabines de téléconsultation en les limitant aux seules pharmacies situées dans des zones médicalement sous dotées moyennant une revalorisation, en contrepartie.
Proposition 6 : Revaloriser le tarif de prise en charge des consultations à domicile pour les professionnels de santé.
Proposition 7 : Inciter les collectivités territoriales à faciliter le déplacement des professionnels de santé par des mesures concrètes.
Proposition 8 : Mieux impliquer l'ensemble des professions dans la permanence des soins.
Proposition 9 : Permettre à l'ARS de définir un tour de garde obligatoire pour les médecins afin d'assurer le bon fonctionnement de la PDSA.
Proposition 10 : Favoriser l'implantation dans les territoires les plus faiblement dotés des maisons de santé de garde (MSG) et maisons médicales de garde (MMG) afin d'avoir un accès en dernier recours à des soins non programmés.
Proposition 11 : Accélérer le déploiement des guichets uniques départementaux d'accompagnement à l'installation des professionnels de santé et systématiser l'implication des collectivités territoriales dans leur fonctionnement.
Proposition 12 : Faire bénéficier les maisons de santé pluriprofessionnelles des aides prévues pour l'embauche d'assistants médicaux.
Proposition 13 : Confier aux délégations départementales des ARS et aux conseils départementaux la mission d'élaborer une politique de planification de l'installation des MSP dans les territoires.
Proposition 14 : Accélérer et amplifier les objectifs de recrutement des assistants médicaux.
Proposition 15 : Simplifier les dossiers médicaux partagés (DMP) en améliorant l'ergonomie des interfaces numériques pour faciliter leur prise en main pour le corps médical.
Proposition 16 : Rationaliser le cadre d'exercice des sages-femmes en :
- simplifiant l'exercice mixte hospitalier-libéral ;
- supprimant la liste limitative de médicaments qu'elles peuvent prescrire.
Proposition 17 : Encourager le développement de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) de petite taille pensées à l'échelle des besoins de soins.
Proposition 18 : Adopter le plus rapidement possible une « loi infirmier » qui élargisse et clarifie le cadre de leurs compétences.
Proposition 19 : Adapter la formation des IPA à l'activité en médecine de ville et assouplir les protocoles d'organisation.
Proposition 20 : Elargir la liste des médicaments pouvant être prescrits par les IPA libérales, notamment pour les pathologies courantes et chroniques, afin d'alléger la charge des médecins
Proposition 21 : Accélérer le déploiement des IPA en exercice.
Proposition 22 : Adopter le plus rapidement possible une « loi pharmacien» qui élargisse le cadre de leurs compétences.
Proposition 23 : Élargir les compétences des biologistes pour ancrer leur
rôle clé en matière de prévention (dépistages, vaccins...).
Proposition 24 : Lancer une campagne de sensibilisation auprès du grand public sur les compétences dévolues aux sages-femmes.
Proposition 25 : Ouvrir l'accès direct aux masseurs kinésithérapeutes pour un certain nombre de pathologies ciblées et leur donner un droit à prescription d'imagerie médicale et de certains anti inflammatoires.
Proposition 26 : Renforcer l'attractivité des carrières hospitalo universitaires et d'enseignement et favoriser l'exercice mixte.
Proposition 27 : Charger la Drees d'une étude sur les besoins futurs de chaque profession de santé.
Proposition 28 : Lutter contre le manque d'attractivité récent de certaines filières de santé, notamment en envisageant l'ouverture d'une voie directe post baccalauréat pour les études de pharmacie.
Proposition 29 : Assouplir la validation des enseignements de la mineure « hors santé » pour les étudiants qui ont validé leur majeure « santé » à l'issue de leur
année de Pass.
Proposition 30 : Prendre en compte, parmi les critères de sélection, le lieu de résidence des étudiants qui habitent dans les zones médicales sous denses lors de leur entrée en première année de Pass ou de LAS.
Proposition 31 : Expérimenter l'ouverture de classes préparatoires « talents médicaux » (sur le modèle des classes préparatoires talents du service public) afin d'accompagner des étudiants répondant à des critères cumulatifs de faible ressource économique et de provenance d'une zone sous-dense.
Proposition 32 : Envisager la possibilité que le cursus de masso-kinésithérapie soit universitaire pour lever les contraintes financières pesant sur le choix de cette spécialité.
Proposition 33 : Lancer un plan d'ouverture d'urgence de facultés et d'antennes de facultés de médecine dans des villes de taille moyenne à proximité des zones médicales sous denses.
Proposition 34 : Adapter les modalités de stage des étudiants en santé pour qu'ils soient effectués fréquemment et sur toute la durée des études en médecine de ville, de façon privilégiée dans les zones sous-dotées.
Proposition 35 : Définir un cadre spécifique permettant aux maisons de santé pluriprofessionnelles d'être reconnues comme lieu de stage pour les étudiants.
Proposition 36 : Revaloriser les indemnités de déplacement et de logement des étudiants en santé en stage dans les zones sous-denses éloignées de leur lieu de formation.
Proposition 37 : Étendre les missions des guichets uniques départementaux d'accompagnement à l'installation des professionnels de santé à l'accompagnement des stagiaires en études de santé dans les zones sous-denses en coopération avec les collectivités territoriales.
Proposition 38 : Appliquer la loi en ce qui concerne les stages des internes en 4e année de médecine générale en lançant un plan d'urgence pour qu'ils aient lieu prioritairement en médecine de ville dans les zones sous denses.
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