Alors que l'Institut National du Cancer a publié en juin dernier sa grande étude intitulée "la vie deux ans après le diagnostic de cancer", la question de l'impact du cancer sur la vie des patients est plus que jamais au coeur de l'actualité.
Aujourd'hui, des sociologues de l'Institut Gustave Roussy souhaitent se concentrer sur la question du travail et ont pour cela lancé une grande étude en ligne. Ils ont besoin de connaître l'impact qu'a eu le cancer sur la vie professionnelle des femmes touchées et font pour cela appel à la plateforme Internet Seintinelles, capable de mobiliser très rapidement un nombre important de volontaires.
Ils souhaitent interroger 10 000 femmes, afin d'obtenir des résultats qui aideront à mieux appréhender la vie après un cancer à une échelle très fine, jusque-là jamais obtenue.
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(1) Source baromètre Cancer@Work 2013.
(2) Le Corroller-Soriano A, Malavolti L, Mermillod C. La vie deux ans après le diagnostic de cancer!: une enquête en 2004 sur les conditions de vie des malades. La Documentation française. Paris; 2008.
(3) Ligue contre le cancer. Rapport 2012 de l'Observatoire sociétal des cancers. 2012 p. 124.
Il n'y a pas une façon de vivre après un cancer, il y en a des centaines
Le retour au travail après un cancer était l'une des mesures phare du plan cancer 2009-2013.
Cette année encore, il est au coeur du ouveau plan cancer 2014-2019, annoncé par le Président de la République le 4 février dernier.
Il n'y a pas une façon de vivre le cancer quand on travaille, il y en a des centaines, propres à chaque cas personnel.
Une ouvrière ne vivra pas son cancer de la même façon qu'une cadre par exemple.
De même, l'impact sera différent qu'elle soit touchée par un cancer du sein ou par un cancer du poumon.
Mieux comprendre la diversité des situations est le premier pas vers une meilleure prévention et vers un accompagnement plus personnalisé. C'est dans cette optique que les chercheurs lancent leur grande étude.
« Femmes et cancers, vivre après la maladie » : 10 000 volontaires sont appelées à participer
Chercheur à l'origine de l'étude : Agnès Dumas, sociologue à l'Unité de Recherche en Sciences Humaines et Sociales (URSHS) de l'Institut de cancérologie Gustave-Roussy (Villejuif).
Les objectifs :
Qui peut participer ?
Toutes les femmes ayant eu un cancer (tous cancers confondus) au cours de leur vie professionnelle, et qui ont terminé les traitements (hors hormonothérapie) depuis au moins 1 an.
Comment participer ?
S'inscrire sur www.seintinelles.com et répondre à 2 questionnaires en ligne.
1ers chiffres : l'étude a été mise en ligne mi-juin 2014 sur le site de Seintinelles.
Plus de 600 femmes y ont déjà participé.
Présentation des Seintinelles
L'association Seintinelles (loi 1901), soutenue par l'Institut National du Cancer (INCa), la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer et le Groupe Chantelle, a été créée par Guillemette Jacob, ancienne malade, et Fabien Reyal, chirurgien spécialiste du cancer du sein à l'Institut Curie de Paris.
Elle a lancé en septembre 2013 la première plateforme de mise en relation entre chercheurs et société civile.
Ainsi, l'association encourage et permet aux femmes, volontaires, de participer aux études de chercheurs travaillant sur tous les cancers, afin d'accélérer la recherche.
En un an, plus de 4500 volontaires se sont inscrites.
Seintinelles est lauréat du programme Impact Santé, conduit par Ashoka, en 2014.
L'association a également remporté l'édition 2014 de l'Echappée Volée, accélérateur de projets de Tdex Paris, dans la catégorie Santé.
Participez à la première étude mise en ligne sur seintinelles.com.
Catherine
Catherine a 53 ans et vit à Paris.
Elle a eu un cancer en juin 2009.
Le cancer lui a donné l’envie de se dépasser, se surpasser.
Elle déborde d’énergie.
Voici son témoignage.
Au moment du diagnostic de cancer, quelle était votre situation personnelle et professionnelle ?
« J’étais déjà mariée depuis plusieurs années lorsque j’ai appris que j’avais un cancer. Sur le plan professionnel, je venais de m’associer pour créer une société de sacs « Sous les pavés ». 6 mois plus tard, en juin 2009, j’ai appris que j’étais malade ».
Comment avez-vous géré cette situation ?
« Mon associée et moi venions de nous lancer dans ce super challenge qu’est le lancement d’une marque de mode. J’avais très envie de me battre pour réaliser ce rêve. Même avec la maladie ! J’ai donc continué à travailler avec quelques aménagements horaires et je m’arrêtais environ 3 jours lors des séances de chimiothérapie. Lorsque j’étais fatiguée, mon associée venait chez moi. J’ai eu la chance qu’à aucun moment elle ne m’a fait sentir que cela était difficile pour elle. Je n’avais pas caché la maladie à notre entourage professionnel hormis à notre banquière bien sûr – qui n’était pas aveugle – un foulard sur la tête ce n’est pas si courant ! Aujourd’hui, nous travaillons toujours avec autant d’acharnement pour distribuer nos collections en Asie, en Europe... Alors ça valait le coup de se battre ! ».
Cette expérience de la maladie a-t-elle fait évoluer votre regard sur la vie ?
« Oui bien sûr ! Mon regard sur la vie a complètement changé. D’ailleurs mon mari pourrait en témoigner ! Il dit que l’on ne peut plus m’arrêter. Et il a raison. J’ai envie de tout et surtout de ne pas perdre un instant. Je ne m’ennuie jamais, j’ai l’impression de déborder d’énergie et de volonté. La maladie a renforcé mon caractère. Je suis devenue plus forte et moins sensible ».
Pourquoi avez-vous eu envie de rejoindre les Seintinelles ?
« Ma motivation est l’envie d’aider celles qui sont confrontées à la maladie et leur faire savoir que l’on peut très bien vivre après et même pendant ! ».
Une Seintinelle anonyme
Cette Seintinelle a 45 ans et vit à Le Croisic (Loire-Atlantique).
La maladie a complètement modifié sa vie.
Elle a choisi de rester anonyme pour en parler.
Au moment du diagnostic de cancer, quelle était votre situation personnelle et professionnelle ?
« Lors de l’annonce de la maladie, j’étais mariée avec 2 jeunes enfants, 2 ans et 5 ans. J’avais un bon job dans une multinationale. Une équipe, des responsabilités, des déplacements mensuels à l’étranger, beaucoup de satisfactions professionnelles mais aussi de grands sacrifices personnels ».
Comment avez-vous géré cette situation ?
« Sur le plan professionnel, l’annonce de mon cancer a révélé les bonnes, comme les mauvaises personnes. Celles qui m’ont témoigné empathie et soutien et les autres... Le cancer m’a éloigné de l’entreprise pendant près de 2 ans. Alors quand on revient après 2 ans d’interruption, on se sent comme l’écolier qui a redoublé parce qu’il a mal travaillé : tous les copains sont passés en classe supérieure, ils ont évolué à d’autres postes et vous, vous devez vous asseoir à la même place, ravaler votre orgueil et faire « comme avant » alors que rien ne sera jamais plus comme avant. Sur le plan personnel, j’ai la chance d’avoir pu compter sur un mari solide et amoureux. Avec nos 2 petits garçons, nous sommes soudés et heureux, malgré l’incertitude ».
Cette expérience de la maladie a-t-elle fait évoluer votre regard sur la vie ?
« Le cancer est atomique, dévastateur, détonateur, révélateur, mais finalement utile ! Tout a changé depuis : mon mari et moi avons quitté les bons jobs, les grosses boîtes, les voitures de fonction, la jolie maison à crédit et Paris pour l’océan, la Bretagne, une vie simple et saine. Mon mari est devenu marin-pêcheur après une formation à Nantes. Je loue 2 appartements en saisonnier et j’écris sur mon blog (http://je-vais-bien-tout-va-bien.over-blog.com). Nos 2 garçons ont bonne mine et le sourire. La vie est belle, malgré/grâce à, la maladie ».
Pourquoi avez-vous eu envie de rejoindre les Seintinelles ?
« Je suis malade, mais pas désespérée ! J’ai eu envie de tirer quelque chose de positif de la maladie, quelque chose d’utile aux autres ».
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