LE PLAN ALZHEIMER ET MALADIES APPARENTEES 2008-2012
Capgeris
Plus d’un an après sont lancement, quelles ont été les avancées et/ou innovations qui se sont concrétisées ? Pouvez-vous nous donner des exemples de projets pilotes ?
Nora BERRA
Le plan Alzheimer est un engagement politique fort, voulu par le Président de la République, pour améliorer la prise en charge en établissement ou à domicile des malades et pour accompagner leur famille. Un an et demi après son lancement les résultats sont concrets J’ai inauguré le 21 septembre dernier, à Mulhouse, la première Maison de l’Autonomie et de l’Intégration pour les malades d’Alzheimer, qui est une porte unique d’information. A ce jour, 17 MAIA sont en expérimentation. Pour renforcer les services de soins infirmiers à domicile, 40 équipes mobiles pluridisciplinaires, composées de professionnels formés à la prise en charge de la maladie d’Alzheimer, ont été créées dans les services de soins infirmiers à domicile. La perspective est de créer 500 de ces équipes d’ici à 2012 .
Ces engagements se poursuivent pour l’année 2010, avec la création de 600 pôles d’activité et de soins adaptés, de 140 unités d’hébergement renforcé, et de 170 équipes mobiles pluridisciplinaires. Les crédits 2010 permettront également de financer 2 125 places d’accueil de jour et 1 125 places d’hébergement temporaire, essentielles pour soulager les familles.
Par ailleurs, je veux lancer dès le début 2010 des appels à projets pour créer 1 ou 2 établissements par région, intégralement dédiés à l’Alzheimer. Ils fonctionneront comme des plateformes de services rassemblant l’hébergement permanent gradué en fonction du niveau de la maladie, l’hébergement temporaire, l’accueil de jour et de nuit, et les Services de soins infirmiers à domicile.
Capgeris
Et comment l’Europe peut-elle jouer un rôle dans cette initiative ?
Nora BERRA
Lorsque le Président de la République a annoncé en février 2008 le plan Alzheimer, sa volonté était que chaque Etat membre de l’Union européenne se dote également d’un plan national. En effet, selon les estimations, 7,3 millions d'Européens âgés de 30 à 99 ans souffriraient de démences, dont la maladie d’Alzheimer. Il est donc nécessaire que cet engagement national devienne européen, car la maladie d’Alzheimer est aujourd’hui une question de santé et de société.
Dans un livre blanc paru en 2007, qui définit la stratégie de l'Union en matière de santé de 2008 à 2013, il est reconnu la nécessité que soit améliorée la connaissance des maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer, dans le contexte du vieillissement de la population.
Plus récemment, le Conseil européen a adopté deux séries de conclusions sur la lutte contre les maladies neurodégénératives, en particulier la maladie d'Alzheimer, en appelant dans ce contexte la Commission à agir. Par ailleurs, la Communauté européenne encourage la coopération entre les États membres et, si nécessaire, appuie leur action.
Face à une société européenne marquée par le vieillissement de la population, la Commission européenne a fait savoir en juillet dernier que la « Communauté peut engager des actions de soutien, mais le succès des efforts accomplis dépendra en premier lieu de l'action des États membres et de la société civile ». Le 21 septembre dernier, à l’occasion de la journée mondiale dédiée à la maladie d’Alzheimer, la Commission européenne a apporté son soutien, par la voie de diverses initiatives européennes et nationales. La volonté de la Commission de s’engager dans ce combat est réelle. Et les efforts collectifs entre les Etats membres doivent aller dans ce sens.
L'AIDE AU REPIT DES AIDANTS
Capgeris
Outre l’amélioration de la prise en charge des malades, la thématique de l’aide aux aidants prend plus d’ampleur dans les discours politiques et médiatiques. Leurs difficultés semblent mieux reconnues.
Quelles mesures le gouvernement entend-il prendre dans ce sens ?
Nora BERRA
J’ai signé le mardi 24 novembre une convention relative à la formation des aidants familiaux avec l’association France Alzheimer et la CNSA. Ce dispositif s’inscrit dans le cadre de la mesure 2 du plan Alzheimer 2008-2012 et de la loi Hôpital patients santé territoire, sur une durée de 15 mois, dès 2009. Deux jours de formation gratuits sont proposés aux aidants pour disposer des outils essentiels, afin de mieux appréhender la maladie de leur proche. La formation permet à l’aidant de construire un projet de vie avec le malade, tout en se préservant. Il est ainsi informé et sensibilisé à la connaissance de la maladie et des troubles psychologiques et comportementaux qu’elle entraîne. L’objectif, pour l’année 2010, est de mettre en place 400 actions de formation au bénéfice de 4 000 aidants familiaux. Chaque formation est animée par un binôme, composé d’un professionnel psychologue et d’un bénévole, qui est lui-même un aidant familial spécifiquement formé. Ces formations répondent à une logique de proximité et s’inscrivent comme un complément indispensable à l’action d’information-sensibilisation des associations locales France Alzheimer, des CLIC, des MAIA, des plateformes d’accompagnement et de répit. Cette diversité de prise en charge permet d’adapter l’offre à la pluralité des situations.
LES MAISONS DE RETRAITE : QUANTITE ET QUALITE
Capgeris
Dans le cadre du Plan de Relance pour les établissements d’accueil des personnes âgées et handicapées, des efforts de modernisation du parc existant vont être entrepris. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Le gouvernement va t’il accélérer le rythme des créations ?
Nora BERRA
Le plan de relance a permis de porter en 2009 de 7500 à 12500 le rythme de création de places d’EHPAD. C’est un effort sans précédent pour répondre aux besoins de la population. C’est aussi un très important volume d’investissement - 1,2 milliard d’euros, qui soutient l’activité dans cette période de crise. Pour subventionner ces investissements, l’Etat a engagé un programme de 330 M€ en 2009. L’effort se poursuivra en 2010, et sera concentré plus fortement encore sur les unités Alzheimer. Ces subventions permettent aussi de contenir le reste à charge acquitté par les familles. L’accessibilité financière aux établissements est pour moi une préoccupation constante
Capgeris
Face à l’augmentation du nombre de maisons de retraite, comment garantir la qualité des services sur l’ensemble du parc existant (établissements neufs versus maisons de retraite les plus anciennes) ? Quelles instances de contrôle et/ou de qualité œuvrent dans ce sens ?
Nora BERRA
Outre les progrès en termes d’immobilier, il faut une mobilisation générale pour améliorer la qualité. Il faut une politique déterminée pour imposer la médicalisation des établissements qui accueillent des personnes dépendantes. Il ne faudra plus hésiter à fermer les établissements qui refuseront de se mettre en conformité
Surtout, je souhaite développer la formation à la bientraitance des professionnels comme des aidants familiaux, et assurer la publicité pour le grand public de l’évaluation qualitative des établissements.
Capgeris
Maisons de Retraite, Maintien à domicile, Accueil Temporaire : quelles sont les autres alternatives étudiées par le gouvernement pour la prise en charge des personnes âgées (Familles d’Accueil pour personnes âgées, Structures d’Accueil de Jour...) ?
Nora BERRA
La France dispose d’une diversité de modes de prise en charge, adaptés selon les pathologies et les besoins. Pour permettre à la personne qui est aux côtés d’un proche atteint de la maladie d’Alzheimer de « souffler », il existe des structures qui accueillent pour une journée ou plusieurs demi-journées, la personne malade dans une structure. IL s’agit des accueils de jour. Et depuis deux ans, 2 220 places ont été financées chaque année. Cet engagement se poursuivra en 2010. Nous disposons également de 2 000 logements foyers non médicalisés sur l’ensemble du territoire. Ces structures permettent aux personnes autonomes de vivre de manière indépendante tout en ayant à leur disposition des services collectifs : restauration, animation, coiffure.... Je trouve que ces résidences qui incluent des services favorisent l’autonomie, le lien social, l’activité. Elles constituent une alternative intéressante pour nos aînés. Enfin, pour que la personne âgée ait le choix de rester à son domicile le plus longtemps possible, 100 000 places de services de soins infirmiers à domicile ont déjà été financées. Ma volonté est d’ailleurs de développer les services à domicile, pour répondre aux besoins de la plupart de nos aînés.
SOLIDARITE INTERGENERATIONNELLE, MAINTIEN A DOMICILE ET PROFESIONNALISATION DU SECTEUR
Capgeris
Quelles initiatives peut-on attendre du gouvernement pour favoriser la solidarité intergénérationnelle ?
Nora BERRA
Je suis intimement convaincue que nos aînés sont la colonne vertébrale de notre société. Les replacer au centre de notre société, c’est aussi renforcer la solidarité entre les générations et favoriser la cohésion sociale. Il existe de nombreuses initiatives sur le terrain. Début novembre, j’ai notamment récompensé une structure à Saint-Apollinaire (Côte d’Or), « village générations », qui consacre 50 % des logements aux personnes âgées, l'autre moitié étant destinée aux couples avec un enfant de moins de 5 ans. Ce village propose à ses habitants une diversité de services pour améliorer leur quotidien, et promouvoir le lien entre générations : des structures "petite enfance", des équipements municipaux, deux unités de vie pour personnes âgées dépendantes, un accueil de jour pour les personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer et un point d'accueil service. C’est ce genre de projet et d’initiative qu’il faut valoriser, et pourquoi pas s’en inspirer pour une dimension nationale où se mêleraient des étudiants et des personnes âgées ? Quelles que soient les initiatives, petites ou grandes, elles répondent à l’objectif du maintien du lien social et permettent aux établissements de rester ouverts sur leur environnement, et de valoriser la qualité du travail des équipes. C’est pour toutes ces raisons que je m’engage pleinement en faveur de la démarche intergénérationnelle.
Capgeris
Le maintien à domicile : comment répondre aux attentes des personnes âgées les plus dépendantes ?
Nora BERRA
Si les personnes âgées le souhaitent, elles peuvent rester à domicile. Car l’offre de prise en charge est diverse : les services de soins infirmiers assurent les soins médicaux à domicile, les chèques emploi services favorisent des réductions d’impôt. Et l’aide pour l’autonomie est une aide financière permettant de disposer d’une aide à domicile pour les actes essentiels de la vie quotidienne. Une de mes priorités est de m’appuyer sur les nouvelles technologies, en complément de l’intervention humaine, pour promouvoir l’autonomie et une meilleure qualité de vie.
Capgeris
Comment garantir la professionnalisation d’un secteur en grand besoin de "main d’œuvre" et qui se développe très rapidement?
Nora BERRA
Aujourd’hui, les plus de 85 ans sont 1,2 millions, et ils seront 2 millions en 2015. Ce défi démographique implique nécessairement une augmentation du besoin en personnel. Le secteur des aînés constitue un important potentiel d’emplois, puisqu’en 2015 les besoins estimés en établissement et à domicile seront de 804 700 professionnels. En complément de services déjà existants, de nouveaux services voient le jour : transport accompagné, organisation de sorties de loisirs, sorties culturelles (visites de musées, spectacles de musique, théâtre…), services d’entretiens de l’habitat, assistance numérique, animation à domicile… Ces nouveaux métiers doivent être connus des jeunes. C’est pourquoi une de mes priorités est de valoriser les métiers du secteur du grand âge, trop souvent méconnu et encore mal perçu. Je souhaite élaborer une formation par métier et une gestion par carrière en créant, pourquoi pas, une filière d’études dédiée à la gérontologie. Parallèlement, nous finalisons l’expérimentation du plan métiers dans trois régions pilotes. Celle-ci vise à mieux identifier les besoins, à optimiser le recrutement et à élaborer des dispositifs de formation pour professionnaliser ces métiers.
Capgeris
Le développement des services à la personne peut-il à lui seul pallier la raréfaction des services dans certaines communes où des personnes âgées se retrouvent parfois seules, voire isolées ? L’aide au transport des personnes âgées et l’accès aux NTIs, ne constituent-ils pas un gisement de services peu exploité ?
Nora BERRA
On ne relève pas le défi du vieillissement avec une seule solution. Je crois profondément que notre société pourra y faire face si nous mobilisons certains outils comme les technologies. La première réunion sur « les technologies de l’autonomie au service des aînés » a eu lieu le 7 décembre dernier.
L’objectif est de mettre en perspective les besoins et l’offre existante, et de développer un marché pour mieux accompagner au quotidien nos aînés et les aidants. Il faut envisager les technologies comme un complément d’intervention humaine, pour assurer un maintien à l’autonomie des personnes âgées. Elles peuvent également jouer un rôle préventif pour prévenir les accidents, et accroître la sécurité physique et mentale de la personne autonome ou dépendante.
Par ailleurs, ces technologies constituent un enjeu social pour renforcer les liens familiaux et amicaux, et pour permettre aux aînés d’accéder, sans se déplacer, à de nombreux services.
Concernant les transports, je tiens à saluer l’initiative de plusieurs villes qui mettent à la disposition de personnes âgées des bus qui leur permettent ainsi de faire des courses, de se rendre à des activités ou à un rendez-vous médical. Dans le cadre du plan Alzheimer, lorsque le malade habite en zone rurale, ou lorsque l’aidant ne peut plus conduire, le plan prévoit d’assurer l’accessibilité aux établissements. 7 millions d’euros supplémentaires sont d’ores et déjà engagés pour assurer cette prise en charge en 2010.
Interviews au cœur des maisons de retraite