Bénédicte Poumarède nous narre ici son travail de photographe réalisé pour l’Exposition photographique sur la maladie neurodégénérative jusque fin Octobre au ministère de la Santé, et nous fait voir Alzheimer au travers de ce regard empreint d’émotion et de chaleur qu’elle a su porter et mettre en image admirablement.
Bénédicte Poumarède nous parle ici de ce qui est présent, et non pas de ce passé oublié, elle nous parle de mémoire affective, de moments bouleversants qu’elle vécu avec ces malades, leurs rires, leurs sourires, et de ce qui reste indéniablement au travers de la maladie: l’humain….Alors voici pour nous quelques clichés de son expérience, de son travail, de ces hommes et de ces femmes, pour ne jamais oublier.
Capgeris
Comment est né le projet d’une exposition sur la maladie neurodégénérative ?
Bénédicte Poumarède
J’ai pris ces photos pendant des cours de théâtre à destination de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Depuis deux ans, cet atelier, « l’Instant théâtre », m’a en effet permis d’aller à la rencontre de nombreux malades.
Capgeris
Quel Comment avez-vous été approchée pour réaliser cette exposition ?
Bénédicte Poumarède
J’avais réalisé cette exposition sur une initiative personnelle, elle a été exposé pendant un mois dans la résidence ou j’ai pris ces photos, j’ai ensuite proposé cette exposition au ministère de la santé.
Capgeris
Quel Qu’est-ce qui vous a attiré dans un tel projet ?
Bénédicte Poumarède
Immortaliser l’expression des émotions découvertes lors de l’atelier l’Instant Théâtre.
Capgeris
Quel Comment avez-vous abordé ce sujet si délicat ?
Bénédicte Poumarède
Avec le cœur, tout simplement, les regarder comme on regarde quelqu’un de votre famille, sans jugement, les accepter comme ils sont.
Capgeris
Quel Comment mettre en photo un thème ayant pour objet les axes du Plan Alzheimer : les soins, la recherche et l’accompagnement médico-social ?
Bénédicte Poumarède
Nous étions deux photographes à exposer, Philippe Castano a reçu commande de cette partie de travail. En ce qui concerne mon travail, il rentrait parfaitement dans ce que voulait montrer le ministère de la santé, à l’occasion de cette journée mondiale Alzheimer: Porter un autre regard sur la maladie.
Capgeris
Quel Quel message avez-vous voulu faire passer au travers de vos photo ? Quel est cet « autre regard sur la maladie » ?
Bénédicte Poumarède
Ces personnes même si elles n’ont plus toute leur mémoire, ont encore toute une vie affective et émotionnelle à partager. Cet autre regard, c’est celui qui voit ce qui est encore là sans se focaliser sur ce qui n’est plus là. L’image que l’on a habituellement des malades d’Alzheimer, ce sont des gens dont la vie s’est échappée.
Ce que j’ai voulu capter, ce sont les émotions retrouvées de ces personnes souvent démunies, égarées, qui, l’espace d’un cours, sont capables de réinterpréter un rôle ancré dans leur chair et leur mémoire affective : le rôle de père ou mère, celui d’époux ou d’épouse, de fils ou de fille.
Avec une vérité bouleversante, j’ai vu ces malades se souvenir de qui ils étaient. Je les ai vus retrouver leur identité perdue et la capacité de l’exprimer aux autres.
Capgeris
Quel Quels souvenirs gardez-vous des séances photo ? Des rencontres au travers de ces séances ?
Bénédicte Poumarède
Je me souviens de Marcel, Henriette, des histoires, des vies, une communication remplie de rires et de sourires, d’une émotion débordante.
J’ai le souvenir précis d’Henriette qui souriait à l’objectif puis elle a mis le nez rouge, son visage s’est transformé et toute la tristesse du clown a pu être révélé.
J’ai aussi rencontré des gens plein d’humour, d’une fraîcheur incroyable.
Capgeris
Quel Qu’avez-vous retiré professionnellement, humainement, d’une telle expérience ?
Bénédicte Poumarède
D’abord, c’est un sujet qui n’a pas été défloré ou pratiquement pas, il n’y’a pas eu encore des portraits, comme des portraits de comédiens de ces personnes, je me suis sentie comme une pionnière sur un sentier non explorée.
Humainement, cette expérience m’a rendu encore plus poignante la réalité de cette maladie.
Capgeris
Quel Avez-vous dans votre entourage une personne atteinte par une maladie neurovégétative ? Est-ce un thème avec lequel vous êtes familière de prêt ou de loin ?
Bénédicte Poumarède
Mon arrière grand-mère dont j’étais très proche était atteinte de cette maladie, je l’ai vu peu à peu s’éloigner et ne plus me reconnaître, j’étais assez jeune et c’est quelque chose qui m’a marqué, je pense que ce n’est pas un hasard que je me sois retrouvé à m’intéresser aux gens atteints de la maladie d‘Alzheimer.
Capgeris
Quel Comment votre travail a-t-il été accueilli par les visiteurs de l’exposition ? Quelles ont été les réactions du public ?
Bénédicte Poumarède
Ils sont d’abord surpris que l’on est pris en photo ces gens, puis surpris à nouveau de les voir si vivants, souriants, émus, émouvants.
Capgeris
Quel Quels sont vos projets à venir ? Pensez-vous que vos précédentes œuvres influenceront les prochaines ?
Bénédicte Poumarède
Je travaille en ce moment à l’élaboration d’un projet en rapport avec le lien maternelle.
Bien sûr ce que je suis aujourd’hui, mon regard de photographe est composé de tout ce que j’ai vu et photographier auparavant, cette expérience au plus proche des malades m’a amené inévitablement à une réflexion sur la mémoire, et les photographies ne font-elle pas partie de la mémoire collective?
Exposition photographique sur la maladie neurodégénérative:
Au ministère de la Santé jusque fin Octobre.
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