Vous présidez le Groupe d’Etudes « Enjeux du Vieillissement » à l’Assemblée Nationale
Capgeris
Pouvez-vous nous présenter le rôle et les missions de cette instance ?
Denis JACQUAT
Le Groupe d’Etudes « Enjeux du Vieillissement » a été entériné par le Bureau de l’Assemblée Nationale.
Il a en fait pris le relais de plusieurs autres groupes mis en place sous les précédentes législatures et ce, dès la présidence de Jean-Louis Debré, notamment le Groupe d’études sur la Longévité (XIIe et XIIIe législatures) et le Groupe d’Etudes sur la Dépendance des Personnes Âgées et la Maladie d’Alzheimer (XIIIe législature).
Le titre actuel « Enjeux du Vieillissement » a été proposé par le Président de l’Assemblée Nationale.
Ce Groupe d’Etudes est constitué de 82 personnes, ce qui représente un nombre important de députés.
C’est par ailleurs l’un des plus actifs : il se réunit tous les mois.
Un conférencier est invité à venir parler d’un thème choisi préalablement par les membres du Groupe d’Etudes.
Sont ainsi récemment intervenus :
Des personnes de premier plan sont ainsi conviées pour s’exprimer dans leurs domaines de compétences respectifs.
Le Groupe d’Etudes « Enjeux du Vieillissement » constitue dès lors un laboratoire d’idées pour l’Assemblée Nationale. La concrétisation des réflexions menées se fait au fur et à mesure et les idées sont intégrées dans les textes et notamment dans le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) ou les projets de loi relatifs aux retraites.
Capgeris
Quels sont les enjeux du vieillissement à l’heure actuelle ?
Denis JACQUAT
Depuis 19 ans, il existe des Rencontres parlementaires sur la Longévité, lesquelles ont été instituées à l’initiative de Mme le Professeur Françoise FORETTE – Directrice de la Fondation Nationale de Gérontologie (FNG) et de International Longevity Center France (ILC- France) - et de moi-même.
Ces rencontres ont lieu une fois par an.
En cours de route toutefois, les parlementaires ont estimé que ces rencontres étaient insuffisantes, ce qui a conduit à la mise en place d’un Groupe d’Etudes sur la Longévité. Le thème de la Longévité est donc abordé par l’Assemblée Nationale, selon deux entrées, le Groupe d’Etudes et les Rencontres sur la Longévité.
Il convient aujourd’hui est de procéder à une analyse des enjeux du vieillissement afin de ne pas être surpris par les évolutions, qu’elles soient sanitaires ou sociales, et de mettre en place une prise en charge globale.
Les 19èmes Rencontres parlementaires sur la Longévité se sont déroulées tout récemment, le 22 mai dernier
Capgeris
Quels ont été les temps forts de cette journée ?
Denis JACQUAT
Les 19èmes Rencontres parlementaires sur la Longévité se sont déroulées le 22 mai 2013, à la Maison de la Chimie à Paris, sous la présidence de Claude JEANNEROT – Sénateur du Doubs, VP de la Commission des Affaires sociales et moi-même, en présence de Paulette GUINCHARD, Présidente de la FNG et anciennement Vice-Présidente du Groupe d’Etudes Longévité sous la XIIe législature.
Ces rencontres ont été l’occasion de nous interroger sur la question de savoir « Comment composer avec l’allongement de la vie ? »
Les thèmes abordés durant ces rencontres ont été les suivants :
De la retraite à la vieillesse : les seniors se bougent, et alors ?
Quelle épargne pour quelle retraite ?
Au-delà des grands plans, quelles solutions concrètes pour la dépendance ?
300 personnes étaient présentes lors de ces Rencontres durant lesquelles le Professeur Françoise FORETTE a, par exemple, rappelé la nécessaire adaptation des infrastructures.
A cet égard Jean-Pierre AQUINO, Luc BROUSSY et Martine PINVILLE, sont venus présenter les grandes lignes de leurs rapports respectifs, récemment remis au premier Ministre, dans le cadre de la préparation de la future loi Autonomie :
Est également intervenu le Professeur Etienne-Emile BEAULIEU, Président de l’Institut Baulieu.
A l’heure de la réforme de la dépendance et dans l’attente de la loi d’adaptation de la société au vieillissement annoncée
Capgeris
Quelles pistes se dégagent, selon vous, pour la prise en charge de la perte d’autonomie ?
Le financement étant assurément l’une des problématiques majeures de cette réforme, comment cette problématique doit-elle être abordée ?
Denis JACQUAT
Je préfère personnellement parler de perte d’autonomie que de dépendance, car elle concerne à la fois les personnes âgées et les personnes handicapées.
Il importe d’insister sur le fait qu’il convient aujourd’hui de prendre de vraies mesures et de ne pas se contenter de « mesurettes ».
Tout le monde semble d’accord sur ce point et depuis un certain temps déjà : Roselyne BACHELOT, lorsqu’elle était Ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale et Marie-Anne MONTCHAMP, alors secrétaire d’Etat auprès de la ministre, en étaient déjà convaincues. Le seul problème demeure le financement.
La filière de la cotisation unique est tarie.
Plusieurs pistes ont été envisagées, comme le relèvement de la CSG pour les retraités imposables, des recettes pérennes qui permettraient d’abonder la CNSA.
Mais il faut également envisager d’autres ressources comme les comptes épargne-dépendance ou un équivalent.
Les députés ont un objectif commun, celui de tenir compte de ceux qui ne peuvent pas payer. Il importe dès lors de déterminer un socle de base.
Quoi que l’on envisage, on ne pourra échapper à une cotisation.
Le texte de loi est annoncé pour fin 2013, avec probablement une mise en place et une montée en charge au cours des années suivantes.
Mais plus on attend, moins les mesures seront efficaces.
Capgeris
Quels devraient-être les axes prioritaires pour répondre à ce grand défi ?
Denis JACQUAT
La perte d’autonomie doit impérativement être prise en compte de manière globale.
Il convient dès lors d’envisager par exemple tous les niveaux de dépendance tels que définis par les différents GIR et ne pas se contenter dans un premier temps des GIR 1 et 2 pour aborder ensuite les GIR 3 et 4.
Car tel est bien le risque aujourd’hui.
Or tout le monde a besoin d’aide et ce, quel que soit son niveau de dépendance. Il convient de tenir compte aussi du niveau de ressources. Un GIR 6 peut requérir une aide pour l’adaptation de son logement. Dans le contexte économique actuel
Capgeris
Comment répondre aux contraintes du vieillissement de la population et de la perte d’autonomie croissante en découlant, sans obérer les perspectives d’avenir des jeunes générations ?
Denis JACQUAT
Il est certain que si l’on tarde à mettre en place des mesures pérennes pour la prise en charge de la perte d’autonomie, les générations suivantes devront payer la différence.
Il faut donc trouver des ressources.
Le reste à charge est aujourd’hui trop important et le sera de plus en plus, en raison à la fois de la baisse du niveau des retraite et du coût croissant de la perte d’autonomie.
C’est pourquoi, la seule solution semble bien être d’envisager une nouvelle cotisation, assortie d’une véritable campagne d’information des personnes.
Capgeris
Pensez-vous que le système de solidarité qui constitue le fondement de notre fonctionnement sociétal soit menacé ?
Denis JACQUAT
Il convient de distinguer ici deux éléments :
J’insisterai parallèlement sur cette discrimination que l’on voit apparaître à l’encontre des « vieux ». Or il importe de rappeler que cette génération a commencé à travailler très jeune, dès l’âge de 13 ans pour certains, que nombre d’entre eux ont fait des efforts de professionnalisation et de formation, qu’ils ont consenti des sacrifices (peu de vacances…).
Ce regard porté sur les anciens par les plus jeunes est accentué par le contexte actuel. On le retrouve également à propos de l’emploi et l’on entend dire qu’il y aurait moins de chômage si les « vieux » ne travaillaient pas.
Il est impératif d’éviter cet effet sociétal de « guerre entre générations ». Le système de répartition de nos retraites est bon, bien que menacé par l’augmentation de l’espérance de vie à la retraite (20 ans à ce jour) et du déséquilibre entre les cotisants et les retraités : les perspectives stipulent un passage de 2.1 en 2010 à 1.50 en 2060 !
Capgeris
La Silver Economy constitue-t-elle une véritable voie de croissance et en ce sens un espoir dans la période morose que nous traversons ?
Denis JACQUAT
Cette filière existe depuis un certain temps, seul le terme est récent.
Il est certain que les « vieux » dépensent.
Ce marché constitue dès lors une voie de croissance et ce, d’autant plus, qu’aujourd’hui les gens prennent de plus en plus conscience que l’Etat ne peut plus tout prendre en charge et qu’il convient pour chacun de participer aux dépenses.
Les « vieux » souhaitant profiter de leur retraite, leurs dépenses impactent sur la consommation intérieure, ce qui favorise la création d’emplois.
Interviews au cœur des maisons de retraite