Voici maintenant 40 ans qu'existe la revue Futuribles.
Occupant une place particulière dans l'univers des revues dites de culture générale, de par sa longévité et la continuité de la direction éditoriale, Futuribles se distingue également par son orientation résolument prospective, et la volonté de livrer à ses lecteurs les informations et réflexions indispensables pour comprendre le monde contemporain et pour agir ainsi avec un maximum de lucidité.
L'objectif, pour reprendre les propos d'Hugues de Jouvenel, est bien in fine de se donner les moyens de se poser en artisans d'un avenir choisi et non en victimes d'un futur subi.
Mais regarder toujours avant n'empêche pas, une fois n'est pas coutume, de jeter un œil dans le rétroviseur et, à l'occasion de ce 400e numéro, de tenter un bref bilan rétrospectif.
Hugues de Jouvenel, fondateur et rédacteur en chef de Futuribles, a donc survolé ces 40 années de Futuribles et dégagé quelques-uns des grands sujets traités dans nos colonnes, sur lesquels la revue s'est montrée clairvoyante voire pionnière : l'éthique et les méthodes prospectives, les modèles et indicateurs de développement, les ressources et limites de notre écosystème, le changement social...
Il souligne aussi certaines faiblesses éditoriales, notamment dans le domaine des sciences et techniques, et quelques aveuglements en matière géopolitique.
Au terme de ces 40 années de veille et de réflexion sur le monde et ses évolutions possibles, les lecteurs auront, nous l'espérons, acquis la conviction que l'avenir reste ouvert et que, pour peu que l'on dispose des bonnes informations et que l'on sache distinguer l'accessoire de l'essentiel - un des objectifs premiers de Futuribles -, il demeure possible de le construire ou d'en infléchir le sens.
Le système de santé français
Régulièrement à la une de l'actualité en raison des problèmes financiers qui sont les siens, le système français d'assurance maladie risque de voir ses difficultés s'aggraver dans le contexte de vieillissement démographique et de rigueur budgétaire que connaît la France.
De multiples scénarios et options sont fréquemment avancés pour le réformer, parmi lesquels certains confinent au rationnement des soins.
De fait, Futuribles propose deux articles destinés à éclairer les débats : l'un examinant les questions de santé du point de vue de l'humain (l'homme face à la maladie) ; l'autre jetant les bases d'une analyse systémique en vue de réformer le système de santé français.
- C'est le professeur André Khayat qui examine ici les aspects humains car, s'il est clair qu'il faut réaliser des économies et s'efforcer de rationaliser les dépenses de santé, il ne faut pas omettre que derrière les chiffres se cachent des malades et des médecins.
Ces patients et leur(s) médecin(s) entretiennent des relations d'ordre individuel autour d'une situation pathologique, qui se complexifient de plus en plus au fil des progrès de la science et de la généralisation de l'information.
C'est ce que rappelle André Khayat, afin que cette relation de l'homme à la maladie et à ceux qui cherchent à la soigner soit correctement appréhendée et intégrée aux réflexions actuelles en matière de réforme des systèmes de santé.
Après un bref historique de la solidarité médicale entre les hommes, son article montre comment la relation médecin-malade, au départ exclusivement individuelle, a progressivement gagné la sphère collective.
Il décrit ensuite les ressorts de la communication médecin-malade et montre comment l'on est passé d'un modèle de relation paternaliste à une relation reposant sur l'autonomie de décision du patient, et les limites de cette dernière.
L'auteur propose, in fine, quelques pistes de réflexion sur les enjeux futurs inhérents à cette relation de l'homme à la maladie et à la médecine.
- Les dépenses totales de santé représentent aujourd'hui, en France, 240 milliards d'euros et 12 % du produit intérieur brut, à l'issue de 60 ans d'une croissance considérable.
Cette tendance à la hausse ne va sans doute pas s'arrêter.
La notion même de santé et les pratiques qui lui sont liées sont transformées par l'évolution technique et sociétale, et si l'on pousse la logique à son extrême, l'organisation actuelle des soins et de leur financement pourrait se transformer en un vrai système de « production » de santé (en plus de la réparation et de la prévention), apte à intégrer les mutations à l'œuvre (liées en particulier aux évolutions de la demande de santé prise dans une acception de plus en plus large) et à accompagner la rupture.
Dans ce contexte, Jean-Claude Angoulvant propose ici une esquisse de panorama systémique, organisé autour du parcours de soins - appelé selon lui à devenir un parcours de santé.
L'idée consiste à mettre en rapport les différents volets de la « machinerie sanitaire » (définition et contenu de la santé, pratiques et techniques, gouvernance, régulation, financement...) et les nœuds qui les caractérisent.
Ce travail se veut une introduction à la démarche prospective nécessaire pour alimenter une politique publique cohérente en matière de santé.
Europe
Autre sujet au cœur de l'actualité et de ce numéro : l'Europe, que l'on retrouve dans trois articles différents :
- Une analyse, par Michel Foucher, du poids de l'Union européenne dans le monde : après plus de deux décennies de calme relatif aux abords de ses frontières, l'Union européenne est confrontée à un regain de tensions, depuis 2010, au sud de son territoire suite aux révolutions arabes engagées dans plusieurs pays du nord de l'Afrique, et depuis quelques semaines à l'est, en raison des événements survenus en Ukraine.
Un tel contexte constitue un véritable test de la capacité de l'Union à s'affirmer en tant qu'acteur de poids sur la scène internationale.
Mais est-elle en mesure de réussir un tel test ?
C'est ce que se propose ici d'apprécier Michel Foucher au travers d'une analyse de la place de l'Union européenne dans le monde, de sa capacité d'influence et des perspectives d'évolution en la matière compte tenu des grandes tendances à l'œuvre au plan géopolitique mondial.
Après un rappel des conditions et échelles d'influence de l'Union, fortement intriquées par le poids des intérêts nationaux des États membres, cet article présente le contexte international dans lequel va évoluer l'Union à moyen terme : un monde certes de plus en plus interdépendant, mais aussi très peu coopératif.
Dès lors, deux perspectives paraissent incontournables : répondre aux défis en s'affirmant comme un réel joueur mondial sur l'échiquier international, et définir des objectifs stratégiques et des centres d'intérêts partagés.
Michel Foucher formule, sur ce dernier point, un certain nombre de recommandations stratégiques déterminantes « pour dépasser la discordance [actuelle] entre l'échelle des intérêts économiques et celle de l'action politique ».
- Une présentation, par Philippe Doucet et Jean-François Drevet, d'un exercice de prospective sur l'Europe à l'horizon 2050, visant à fixer des objectifs aux politiques territoriales mises en œuvre sur le continent, à différents niveaux décisionnels.
Partant d'une vision volontairement optimiste de l'Europe en 2050, ils précisent les dynamiques territoriales à l'œuvre à cet horizon (mobilité, économie résidentielle, zones urbaines / zones rurales, frontières...), ainsi que les évolutions possibles en termes de gouvernance territoriale à l'échelle mondiale, européenne, subrégionale, nationale et locale.
Certains considéreront peut-être cette démarche comme utopique, mais il s'agit là d'alimenter la réflexion stratégique au service d'un projet européen mobilisateur à l'horizon 2050, afin de se donner les moyens de le concrétiser si telle est l'ambition de l'Union.
- La tribune européenne de Jean-François Drevet, qui, en cette période de commémoration de la Première Guerre mondiale, examine les enseignements à tirer, pour la prospective, de certaines décisions et politiques impliquées dans le déclenchement et le déroulement de la guerre 1914-1918, et dont l'issue s'est révélée pour le moins contraire à celle envisagée par leurs parties prenantes.
Développement durable : discours et pratiques en France et en Allemagne
Notion émergente à la fin des années 1980, le développement durable a aujourd'hui acquis ses lettres de noblesse et figure dans la plupart des éléments de discours des dirigeants politiques et économiques français, mais si cette notion est devenue familière à la plupart des Français, en pratique on peine à observer une mise en œuvre concrète des principes qui y contribuent.
À l'inverse, comme le montre cet article de Cornelia Findeisen, les Allemands sont assez peu au fait des discours en lien avec le développement durable, cette notion leur étant peu familière a priori, mais ils le mettent en pratique de manière très régulière, et ce de longue date, dans leur quotidien comme dans leurs politiques publiques.
Y aurait-il une explication culturelle à cette différence de comportements de part et d'autre du Rhin, et si oui, est-elle vouée à perdurer ?
Faut-il repenser les discours relatifs au développement durable, en France comme en Allemagne, pour susciter et /ou garantir la pérennité des pratiques qui s'y conforment ?
Compétitivité : à chacun ses responsabilités
À lire également dans ce numéro, un forum de Jacques Bichot sur l'un des enjeux au cœur du débat sur la compétitivité des entreprises : le coût du travail, à propos duquel il milite en faveur de la mise en place d'une « fiche de paie vérité » dont il expose ici l'intérêt.
Informations sur la revue
Plus d'informations
- Site Internet de Futuribles, en https://www.futuribles.com/fr/
- Le sommaire détaillé de la revue est téléchargeable en https://www.futuribles.com/fr/base/revue/400/
- La revue peut être commandée sur le site, en https://www.futuribles.com/fr/base/revue/400/#shop
