La Rédaction
La professionnalisation du métier de Directeur d'EHPAD, avec en particulier l'exigence d'un diplôme, précisée par le décret n° 2007-221 du 19 février 2007, ne conduit-elle pas à un rajeunissement de la fonction ?
Richard CAPMARTIN
Non, pas nécessairement. Le décret a sans doute accentué l'ouverture à des recrutements de personnes en reconversion professionnelle, qualifiés de niveau I et complétés de stages significatifs.
La proportion des directeurs âgés de plus de 50 ans augmente et en même temps, on constate une légère augmentation de la part des plus jeunes, qui est essentiellement représentée dans le secteur privé, et qui reste insuffisante pour rajeunir l'ensemble de la population des directeurs. Cette représentation de jeunes directeurs dans le secteur privé vient d'une forte mutualisation de moyens et de fonctions support administratives au sein des groupes privés.
La Rédaction
Avez-vous parallèlement constaté une « féminisation » du métier ou la parité est-elle respectée dans ce secteur ?
Richard CAPMARTIN
Nous ne pouvons pas faire le même constat que chez les médecins, où nous savons que près de la moitié des médecins qui exerce sont des femmes.
La fonction de direction d'établissement s'est féminisée, ce qui n'est peut-être pas encore le cas au top management, mais nous n'avons pas de données chiffrées sur ce sujet. Nous pouvons en faire le constat au travers des entretiens de recrutement que nous menons quotidiennement. La fonction de directeur d'EHPAD séduit certainement une large part de candidates dans la mesure où elle repose sur les relations humaines et met les personnes fragilisées au cœur de nos préoccupations. Elle attire sans doute beaucoup les femmes car celles-ci sont réputées accorder une plus grande importance à la qualité de la relation humaine et familiale. Elles sont certainement plus à l'aise dans des situations de communication et de langage. Par ailleurs, on ne peut travailler en établissement que si l'on s'intéresse réellement à la personne âgée, que si l'on est sensible à la condition des personnes en situation de fragilité et de dépendance.
La Rédaction
Ce poste suppose une grande polyvalence et une bonne dose de maturité. Ce rajeunissement ne pose-t-il dès lors pas des problèmes et lesquels ?
Richard CAPMARTIN
Depuis 2002, de très nombreux textes sont apparus. Des nouvelles obligations incombent aux directeurs d'EHPAD (projet d'établissement, politique de réseaux, envoi de comptes d'emploi et de budgets prévisionnels aux Autorités de contrôle et de tarification, idem concernant l'envoi régulier des niveaux de dépendance et de soins de l'ensemble des résidents accueillis, gestion prévisionnelle des emplois et des carrières, évaluation interne, évaluation externe, etc.).
Face à cette transformation, vient s'ajouter une donnée supplémentaire : les professionnels en place ou les nouveaux profils recrutés ont eux aussi changé. Que ce soient par rapport aux attentes des employeurs (nouvelles qualifications attendues, acteur commercial, sens de l'autonomie peut-être plus développé), que des attentes des collaborateurs eux-mêmes (pour certains un choix d'équilibre de vie professionnelle, un rapport différent à la hiérarchie, un besoin de sens/d'engagement). Un jeune directeur devra toujours plus au moins « se légitimer » par son âge. Face à une famille, il doit être capable de rassurer quant à sa capacité à gérer son établissement en tant que directeur et doit être capable de prendre en charge le parent, avec le principe du double client (famille/résident), sans oublier de prendre en compte les facteurs associés, à savoir la culpabilité des uns et le refus de l'autre d'intégrer une institution. Face à des salariés plus âgés, ce qui est fréquent, il faut être capable d'emblée de fixer un cadre clair. Pour s'imposer et être crédible auprès des plus anciens, il ne faut pas hésiter à solliciter les plus expérimentés et instaurer un management collaboratif. Il faut savoir établir un échange d'expériences dans les deux sens et surtout pas un climat directif.
Le directeur doit faire preuve de discernement, d'écoute, de pédagogie, voire de diplomatie, pour déterminer où se trouve l'intérêt du résident et en discuter clairement avec la famille. Pour ce faire, il doit savoir et aimer travailler en équipe pluridisciplinaire (Médecin Coordinateur, Infirmier Coordinateur, soignants), pour pouvoir se positionner au mieux. Ce sont le degré de maturité et l'équilibre personnel qui feront la différence au moment du recrutement et c'est pour cela qu'une expérience professionnelle de 3 à 5 ans est la plupart du temps exigée pour occuper ce poste.
La Rédaction
Faute d'appel à projet, la création de nouveaux établissements s'est considérablement réduite. Paradoxalement nous avons la sensation que les établissements, qu'ils soient privés ou publics, ont du mal à recruter des directeurs.
- Confirmez-vous cette tendance ?
Quelles en sont les causes, selon vous ?
Richard CAPMARTIN
D'un côté, la profession a depuis toujours eu tendance à ne communiquer que sur les métiers du soin et de l'hôtellerie pour attirer vers les métiers du grand âge. Elle n'évoque que très rarement la fonction de directeur d'EHPAD, encore peu connue et souffrant parfois encore d'une image négative. De l'autre, nous avons de plus en plus de candidats qui postulent à la suite d'un bilan de compétences, dont le souhait est de se reconvertir professionnellement, avec une idée erronée de la fonction. Lorsque je leur pose la question du choix de cette orientation, beaucoup souhaitent donner du sens à leur vie ou peuvent avoir le sentiment qu'il est plus simple d'accéder à un poste de Directeur d'établissement médico-social, au sens large, qu'à celui de Directeur d'établissement sanitaire. Il est nécessaire de rappeler que ce métier exige de fortes responsabilités en matière de sécurité, financières, humaines, avec des astreintes fréquentes, et demande une gestion des imprévus quasi quotidienne. Il ne doit surtout pas être un choix par défaut au risque d'échouer dans cette fonction.
Le secteur de la personne âgée réserve de beaux parcours de carrière. L'allongement de la durée de vie et les avancées technologiques propres à la filière favorisent l'emploi des directeurs d'établissements. Le turnover, important dans les établissements, profite notamment aux personnes en reconversion et/aux jeunes diplômés. En Ile-de-France, les établissements de santé connaissent une plus forte rotation de leur personnel que dans d'autres régions, et ce, notamment du fait d'une concurrence rude, d'un coût de la vie plus élevé.
La Rédaction
Il semble que de nombreux infirmiers se reconvertissent à ce métier.
Avez-vous cette visibilité aujourd'hui et pensez-vous que cela constitue un plus pour assumer la direction d'un EHPAD ?
Richard CAPMARTIN
Il y a quelques années, la profession comptait beaucoup de directeurs originaires des métiers du soin (cadres de santé, infirmières coordinatrices...). Effectivement, ils sont nombreux à poursuivre une formation de niveau 1 pour occuper un poste de directeur d'établissement. La tendance a fortement évolué, nos clients nous mandatent pour recruter des candidats issus de formations supérieures en gestion/management/commercial, ayant une ou plusieurs formations et/ou expériences/stages dans le secteur médico-social, notamment dans le secteur privé lucratif. Les profils commerciaux familiarisés aux reporting et justifiant d'expériences antérieures en gestion d'équipe et conduite de projets ont vu leurs chances d'intégrer le secteur augmenter.
La Rédaction
Pouvez-vous nous proposer un "portrait-robot" du parfait directeur de maison de retraite et nous préciser quelles sont les principales qualités requises, de votre point de vue, pour être un bon candidat à la direction d'un EHPAD ?
Richard CAPMARTIN
Le métier de directeur est un métier de communication et de relations humaines : communication avec les résidents, avec les familles, avec les équipes multidisciplinaires, avec les partenaires extérieurs, avec les administrations de « tutelles »... Il doit justifier d'un certain nombre de compétences clés : capacité à diriger et travailler en équipe, à motiver le personnel, à négocier des conventions, des budgets, des achats, et à piloter des projets, capacités relationnelles (sens du contact, écoute, discrétion), sens des responsabilités, gestion des priorités, grande disponibilité, résistance au stress, forte réactivité, rigueur (dans l'application des réglementations de sécurité, des instructions sanitaires, des procédures qualité), et enfin un intérêt réel pour la personne âgée ... Un déficit en compétences budgétaires, en revanche, peut se rattraper.
La Rédaction
Quelles sont les formations actuelles qui répondent le mieux aux attentes des gestionnaires ?
Richard CAPMARTIN
Au-delà du diplôme, qui rappelons-le ne résume pas à lui seul la compétence, aujourd'hui la plupart des offres ciblent principalement des cadres ayant une expérience professionnelle ou ayant effectué des stages dans le secteur. Jusqu'à présent, le CAFDES était le diplôme emblématique du secteur médico-social, il n'est plus pour autant le seul. Les acteurs du secteur privé lucratif, lui préfèrent des masters spécialisés dans le domaine du management du secteur de la santé. Celui-ci permet en effet de valider des prérequis en termes de connaissances sur l'environnement et les activités de l'établissement (législation et réglementations, publics accueillis, etc.).
La Rédaction
Secteur privé lucratif, associatif ou public, pensez-vous que les profils recherchés diffèrent et, le cas échéant, en quoi ?
Richard CAPMARTIN
L'environnement sécuritaire et concurrentiel dans lequel évolue le secteur de la dépendance génère nécessairement des attentes de plus en plus fortes. Les critères de qualité sont toujours plus élevés et l'implication du directeur incontournable. Il faut savoir qu'à la différence d'un établissement appartenant à un groupe privé, le directeur d'un EHPAD associatif ou public est seul à bord et par là-même soumis à une forte pression en termes de responsabilités, ne pouvant faire appel à des fonctions support siège. Pour le secteur associatif ou public, nous recrutons de ce fait bien souvent des candidats qui maîtrisent déjà la fonction, en toute autonomie.
La Rédaction
Hormis le salaire, quels peuvent être, pour les employeurs, les leviers disponibles afin d'attirer un candidat vers le poste de directeur ?
Richard CAPMARTIN
Une bonne rémunération et des missions attractives ne suffisent plus pour attirer des candidats. Il existe des facteurs déterminants pouvant donner l'envie de rejoindre une organisation plus qu'une autre. La réputation d'un groupe est un facteur d'autant plus important que l'on monte dans la hiérarchie. Quand nous recevons des cadres confirmés et dirigeants du médico-social en entretien, nous avons beaucoup de questions précises sur le mode de fonctionnement de l'entreprise, sur sa culture et parfois son histoire. Cela est souvent considéré comme tout aussi important que le niveau de rémunération. La posture du recruteur (interviewer) vis-à-vis du groupe peut avoir un effet attractif. La perception d'un « fit » est l'indicateur le plus fortement associé à l'envie de rejoindre une organisation ou de faire confiance au cabinet, si le recrutement est externalisé. Il apparaît fondamental de bien cerner les attentes de la future recrue en fonction de son profil et, d'autre part, de proposer un discours attractif mais réaliste afin d'éviter toute déception par la suite pouvant aller jusqu'à la rupture du contrat.
La Rédaction
Voyez-vous un lien entre, d'une part, l'évolution des profils et des attentes des directeurs d'EHPAD et, d'autres part, le contexte actuel de fusion/acquisition des établissements et la constitution de groupes toujours plus importants ?
Richard CAPMARTIN
Le nombre de postes de directeurs d'EHPAD va-t-il s'accroître au cours des prochaines années ? On ne peut l'affirmer. Aujourd'hui, la tendance est clairement à la concentration, à une stratégie de rachats et d'alliances entre groupes commerciaux. À l'avenir, les secteurs public et associatif devraient connaître la même évolution. Les structures du type résidences-services devraient en revanche augmenter sur la base de logiques de développement du maintien à domicile. À l'heure actuelle, les créations de postes se font surtout dans le secteur commercial. Toutefois, les pouvoirs publics qui ont permis l'ouverture de nombreuses structures privées en reviennent un peu. Il devrait y avoir dans les années à venir plus de débouchés avec un double phénomène de créations de structures et de concentrations-regroupements.
La Rédaction
Existe-t-il des perspectives d'évolution de carrière pour un directeur d'EHPAD et quelles sont-elles ?
Richard CAPMARTIN
A condition de patience, d'expérience et de stabilité sur des postes d'environ 3 ans, le directeur d'EHPAD a des opportunités d'évolution. Il peut progresser vers des postes de directeur régional ou vers des fonctions à responsabilités (développement, qualité, achat, communication, encadrement) au siège de groupe. Il peut rejoindre le secteur du handicap, voire l'activité de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR), dans le secteur sanitaire, qui se développe au regard des besoins continus de soins liés aux maladies chroniques, aux événements de santé invalidants et au vieillissement de la population. Se développe par ailleurs le management de transition, pour lequel nous recrutons de plus à la demande de nos clients, et dont les missions sont essentiellement d'intervenir dans des situations de crise, pour remplacer un dirigeant, pour pallier un déficit de management ou pour accompagner la mise en place de projets institutionnels. Le secteur médico-social fait de plus en plus appel au management de transition, devenu une solution concrète pour les organisations confrontées à une situation d'urgence ou de changement.
Directeur Ehpad : toute l'information pratique et les services pour les directeurs d'Ehpad et de Maisons de Retraite