Établie dans le cadre des concertations engagées par la Ministre Agnès BUZYN sur les enjeux de l'accompagnement des personnes âgées, la contribution de la FNAQPA fait état des propositions de la Fédération sur la nécessaire recomposition de l'offre d'hébergement et la refondation du modèle des maisons de retraite.
Déficit d'image, augmentation des besoins médicotechniques de la population hébergée, contexte économique tendu, normalisation croissante, injonctions contradictoires, difficultés de recrutement : tels sont les défis qu'affrontent actuellement les maisons de retraite.
Détaillée dans sa contribution, la FNAQPA appelle à une réorganisation de l'offre des établissements, primordiale pour l'avenir de l'accompagnement des personnes âgées, cette évolution ne pouvant se faire sans se poser la question, au préalable, de la mission que l'on entend confier aux maisons de retraite de demain.
Au-delà d'une diversification de l'offre, la réponse aux enjeux stratégiques majeurs des établissements comme aux réelles attentes des personnes accompagnées se trouve, pour la FNAQPA, dans une transformation inclusive des établissements.
Cela suppose, notamment, un changement de paradigme qui tend à apporter une réponse aux attentes individuelles des personnes et un accompagnement individuel, nécessitant des changements très importants en termes de culture, de fonctionnement et de pratiques.
La présente contribution s’inscrit dans la suite du tour de table organisé le 23 mars 2018 par Madame Agnès BUZYN, la Ministre des Solidarités et de la Santé, et reprend et approfondit les idées et les propositions présentées ce jour-là par la FNAQPA.
Déficit d’image, augmentation des besoins médicotechniques de la population hébergée, contexte économique tendu, normalisation croissante, injonctions contradictoires, difficultés de recrutement : tels sont les défis qu’affrontent actuellement les maisons de retraite.
L’avenir de l’accompagnement des personnes âgées passe nécessairement, pour la FNAQPA, par une recomposition de l’offre d’hébergement et une refondation du modèle des maisons de retraite.
En préambule, la FNAQPA appelle de ses vœux que le « H » de EHPAD ne devienne pas celui d’ « hospitalier » comme on peut l’entendre souvent, mais devienne au contraire celui d’ « habitat » : un habitat inclusif dans lequel des personnes âgées fragilisées puissent développer un nouveau projet de vie dans un cadre ouvert sur l’extérieur, axé sur la vie sociale, respectueux de leurs droits et libertés et assurant la préservation de leurs capacités restantes.
Les établissements sont à la croisée des chemins entre le sanitaire et le social. Depuis 20 ans, les politiques publiques envers le grand âge se sont surtout construites autour des politiques de santé. Aujourd’hui encore, les débats sont focalisés autour des questions sanitaires : moyens de médicalisation supplémentaires, augmentation du ratio de personnel soignant, parcours de soins, gestion du risque. Et l’on s’éloigne de plus en
plus des attentes des personnes âgées elles-mêmes et des missions des établissements telles qu’elles sont définies dans le Code de l’action sociale et des familles1. Monsieur Bernard BONNE, dans son rapport rendu le 7 mars 2018, fait ainsi le constat « d’une approche excessivement médicalisée de l’EHPAD2 ». Il dénonce une « dérive sanitaire d’établissements qui sont initialement censés camper « un lieu de vie » et non « un lieu de soins » et s’interroge sur la « surmédicalisation » de certains établissements qui ne remplissent plus leur mission d’accompagnement de la dépendance, à laquelle s’est substituée une simple mission de veille sanitaire.
Il convient en effet de poser la question de la mission que l’on entend confier aux maisons de retraite de demain avant d’envisager leur évolution.
Jusqu’à présent, nos établissements n’ont pas une mission de santé publique, même s’ils y concourent. Le volet médical de l’accompagnement des personnes âgées vulnérables a pourtant tendance à prendre le pas sur le volet social. Et cette tendance ne fait que s’accentuer sous l’impulsion des politiques d’admission développées ces dernières années par les pouvoirs publics qui visent à orienter les maisons de retraite vers l’accueil de la grande dépendance. Cette « dérive sanitaire » que nous constatons à l’instar de Bernard BONNE nous interroge sur les missions.
Est-ce que l’accompagnement des six derniers mois des personnes en situation de grande fragilité doit devenir la seule mission de ces établissements ? Auquel cas, il faut en tirer les conséquences et les transformer en établissement sanitaire. La FNAQPA est néanmoins dubitative. Nous demeurons convaincus que ce n’est pas la mission de ces établissements dont le volet social reste essentiel. De manière plus générale, il est douteux que cela puisse concerner plus de 600 000 places sur le territoire.
Ou bien souhaite-t-on conserver les missions actuelles de ces établissements : rupture de l’isolement, prévention et préservation des capacités restantes ? Cela supposera alors de redonner toute son ampleur à la dimension sociale de l’accompagnement actuellement éclipsée au profit du volet médical. Le soin n’est pas absent des préoccupations des personnes âgées, mais il doit être au service de leur projet de vie et non une fin en soi. Les personnes veulent être soignées pour vivre et non vivre pour être soignées.
Le choix du modèle de la maison de retraite de demain doit se faire au regard des grands enjeux de l’accompagnement des personnes âgées.
1 Article L. 311-1 du CASF.
2 B. BONNE, La situation dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), Rapport au nom de la commission des affaires sociales, Sénat, 2018.
3 R. MARQUIER, Vivre en établissement d’hébergement pour personnes âgées à la fin des années 2000, DREES, Dossier Solidarité Santé n° 47, octobre 2013.
4 H. THOMAS, C. SCODELLARO, D. DUPRÉ-LÉVÊQUE, Perceptions et réactions des personnes âgées aux comportements maltraitants : une enquête qualitative, DREES, Études et Résultats n° 370, janvier 2005.
5 CNSA, Normes et moyens en EHPAD, rapport, 2015.
6 P. RICORDEAU, Relevé des échanges et propositions de la mission de médiation sur la mise en place de la réforme de la tarification dans les EHPAD, rapport, avril 2018.
de plus en plus difficile de recruter des professionnels, alors que le nombre de postes à pourvoir se comptent en centaines de milliers.
Cela ne doit cependant pas occulter le fait qu’il existe un décalage considérable entre l’opinion publique et l’avis des personnes âgées hébergées, puisque 86 % d’entre elles se disent satisfaites7.
Au regard de ces enjeux, la FNAQPA propose de réorganiser l’offre des établissements, en prévoyant :
Cette recomposition et cette diversification de l’offre est d’autant plus pertinente que :
7 R. MARQUIER, préc.
Il serait important de laisser aux établissements le choix de la façon de s’adapter face à cette recomposition. Le Code de l’action sociale et des familles parle de territoire et d’évaluation et invite les établissements à se positionner sur un territoire donné. Ces derniers ont une marge de liberté dans les orientations qu’ils souhaitent donner à leur projet. Un projet d’établissement est d’abord spécifique à ses valeurs. Il est également spécifique à un territoire et à la manière dont l’établissement entend se positionner dessus. Il faut laisser aux établissements la liberté de s’adapter aux besoins d’un territoire donné. Certains vont faire le choix de la médicalisation pour accueillir une population ayant des besoins médicotechniques importants. D’autres vont privilégier un projet plus social pouvant notamment s’adresser aux personnes atteintes de troubles cognitifs. C’est une erreur fondamentale d’enfermer les maisons de retraite dans l’accueil de la grande dépendance et le soin, et de mettre ainsi les personnes qui y résident à part.
Il faut amorcer une transformation inclusive des établissements. Cela suppose :
nouveau paradigme, dans lequel l’individualisation prime, doit nous amener vers des établissements véritablement inclusifs. Cette transformation inclusive nécessite des changements très importants en termes de culture, de fonctionnement et de pratiques. Les établissements doivent sortir de la logique institutionnelle pour que leur organisation s’adapte aux individus, alors que c’est aujourd’hui l’inverse. Ce n’est qu’à cette condition que les réponses apportées respecteront véritablement la citoyenneté des personnes accompagnées. La FNAQPA se félicite, à cet égard, du choix de « la société inclusive », et de ses déterminants, comme thème du chapitre prospectif du rapport de la CNSA de cette année.
Une évolution des établissements orientée exclusivement vers un modèle sanitaire, aboutissant à une standardisation, au détriment du volet social de l’accompagnement, serait dommageable. Il est fondamental de conserver et dynamiser leurs missions de rupture de l’isolement, de prévention et de préservation de l’autonomie. Seule la transformation inclusive, reposant sur un changement de paradigme, et la diversification de l’offre permettra de répondre aux enjeux stratégiques majeurs des établissements : conserver la dimension sociale de l’accompagnement, assurer le respect de la citoyenneté des personnes accompagnées et, par-dessus tout, redonner de l’attractivité. Il en va de la survie des établissements.
8 La codécision ou la coconstruction : elle vise le partage des décisions entre les intervenants. Elle implique la négociation et donc la recherche de compromis pour parvenir à un accord. Il s’agit d’un réel partage du pouvoir. 9 Affirmer la citoyenneté de tous : construire ensemble les politiques qui nous concernent, CNSA, rapport 2013, chapitre prospectif.
10 M. IBORRA et C. FIAT, Mission d’information sur les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), rapport, Assemblée Nationale, 2018.
Dépendance et 5éme risque : société et viellissement,accueil et accompagnement des personnes âgées, couverture de la dépendance, enjeux démographiques