L'allocution de Valérie Létard du 13 mai 2009 a permis de faire le bilan de la politique de bientraitance des personnes âgées engagée. La secrétaire d'Etat à la solidarité a d'abord mentionné:
«les actions engagées en faveur du secteur médico-social. J’avais souhaité, avec Brice Hortefeux, rassurer les Français et rappeler l’engagement du gouvernement en faveur des personnes âgées: en 2009, je le rappelle, les crédits alloués ont progressé de 8.2%, soit 566 M€ de plus qu’en 2008.
Ces crédits, ce sont des places en plus, à domicile ou en établissements, selon le choix de chacun. Ce sont aussi des personnels en plus: ils représentent plus de 15 000 emplois soignants et qualifiés.
Cet effort de la collectivité nationale à l’égard de ses ainés prend tout son sens dès lors qu’il est mis au service de la dignité des personnes âgées.
A l’inverse, toute atteinte à la dignité est inacceptable. C’est pourquoi, j’ai voulu agir très vite sur 3 plans:
- Lancer le 39.77, ce numéro d’appel unique que j’ai mis en place dès février 2008.
- Renforcer le rôle de l’Etat-garant pour les résidents et les personnels.
- Mobiliser les professionnels sur la bientraitance des personnes agées. C’est tout le sens de l’opération bientraitance lancée le 16 octobre dernier dans les établissements pour personnes âgées, qui s’appuie sur les conventions tripartites et renforce le plan initié par Philippe Bas en avril 2007.
C’est de cette action dont je souhaite vous faire part.
1 – Avec le lancement du 39-77, j’avais souhaité lever le tabou sur la maltraitance de nos aines. J’avais souhaité libérer la parole. Un an après, l’objectif est atteint.
Un numéro unique, facilement mémorisable et accessible aux victimes et aux témoins, grâce à une permanence renforcée. Un numéro que l’on peut composer de façon anonyme ou pas, selon le choix de chacun.
- Plus de 63 000 appels reçus depuis la création du 39-77, soit plus de 160 appels par jour ouvré et 7 745 dossiers ouverts.
- 4 dossiers sur 5 concernent effectivement une problématique de maltraitance.
- 1 personne maltraitée sur 4 est confrontée à une maltraitance psychologique.
- 1 sur 7 subit une maltraitance financière ou une maltraitance physique .
- 1 sur 6 est maltraitée par négligence.
Le tabou est levé ; les victimes, les témoins prennent la parole. Ils peuvent s’adresser à un dispositif efficace, opérationnel qui enregistre les signalements puis les prend en compte, localement.
C’est tout le sens de l’articulation entre un numéro national et des antennes locales. Aujourd’hui, tous les départements sont couverts par une antenne locale ou de proximité. Bientôt, chaque département disposera d’une antenne locale.
Je veux souligner la mobilisation, l’engagement des associations AFBAH et ALMA, dont les présidents Monsieur le docteur Dc Duportet, président de l’association française pour la bientraitance des Ainés et/ou handicapés(AFBAH), et Monsieur le professeur Moulias, président de l’association Allo Maltraitance(ALMA), sont à mes cotés. Bien sûr, leurs moyens ont été renforcés, tant par la création de postes supplémentaires au plan national que par l’affectation de moyens financiers supplémentaires.
Mais je tiens à les remercier ainsi que leurs membres, salariés et bénévoles pour leur action quotidienne auprès des personnes âgées et handicapées. Ce bilan est avant tout le leur. Ils compléteront dans un instant ces éléments.
2 – Immédiatement opérationnelles en octobre 2008, les mesures de lutte contre la maltraitance renforcent le rôle de garant de l’Etat auprès des résidents des établissements ou des professionnels.
Les données chiffrées du 39 77 confirment ce que les professionnels savent: un cas de maltraitance sur 6 a lieu en établissement. Elle reste le fait d’actes individuels minoritaires. Minoritaires et inacceptables.
C’est pourquoi, dès le 15 octobre dernier, j’ai démandé aux services de l’Etat de réorganiser les contrôles dans les établissements et de procéder à des contrôles inopinés. Mais, que l’on ne se méprenne pas sur mes intentions, il ne s’agit pas de se défier des établissements, de les « piéger ». Il s’agit d’affirmer qu’à tout moment, une personne âgée a droit au respect de sa dignité. Et à tout moment, l’Etat est là pour le contrôler afin de le garantir. Je rappelle que la maltraitance est aussi une souffrance pour les personnels témoins, et que les contrôles sont aussi une garantie pour eux.
D’ici la fin du mois, les services déconcentrés disposeront d’un nouvel outil avec l’enquête flash, que je vous ai annoncé en octobre dernier. Les premières enquêtes pourront avoir lieu à l’été. Ce qu’elle apporte, c’est une analyse plus rapide, ciblée sur les risques de maltraitance. C’est un outil pour prévenir la maltraitance. Son utilisation reste à la discrétion des services ; elle reste inopinée.
Enfin, je vous annonce une nouvelle diffusion de la campagne de promotion du 39-77 dans les établissements, qui reçoivent actuellement affiches et dépliants ; le conseil de vie social en sera informé. Sur la dernière période, la part des professionnels dans les appels au 39-77 a augmenté, ce qui traduit bien qu’ils ont compris qu’il ne s’agit pas d’un outil « contre eux » mais POUR TOUS.
3 – C’est aussi pourquoi, j’ai souhaité que la promotion de la bientraitance dans les établissements s’appuie sur les professionnels. C’est le coeur de l’opération bientraitance.
L’exigence de qualité et de transparence est largement partagée. Je le constate dans la mobilisation sans précédente en cours actuellement.
=> Aujourd’hui, je peux vous annoncer que tout au long de ce mois de juin se tiennent les assises de la bientraitance dans chaque département: plus de 70 départements ont déjà, soit organisés, soit programmés ce temps fort.
Je vous engage à assister à ces manifestations, qui se poursuivront à la rentrée et jusqu’en octobre. J’ai voulu une mobilisation la plus large possible, une mobilisation locale, au plus près des personnes âgées pour être plus efficace. Tous les acteurs qui interviennent auprès des personnes âgées seront là: les établissements, les associations, le secteur du domicile, les collectivités locales et notamment les départements, les services de l’Etat qui organisent et bien sur les usagers et leurs associations. L’idée est simple: pas de tabou, des actions concrètes.
=> Dans le même temps, d’ici le 30 juin 2009, chaque établissement établira un diagnostic « bientraitance » à partir du questionnaire d’autoévaluation qu’il a reçu en avril élaboré sous le pilotage de l’ANESM. Son directeur, M.Charlanne que je remercie pour la qualité des travaux produits, vous présentera plus précisément la méthode d’élaboration de ce document et les indicateurs de bientraitance retenus.
Ce qui est fondamental, c’est que ce diagnostic est collectif, issu d’un débat entre les professionnels d’un établissement, et qu’ils se posent des questions telles que: « Appliquons nous les recommandations de l’ANESM sur la bientraitance ? comment pourrions nous améliorer notre fonctionnement, nos pratiques pour améliorer la prise en charge de nos résidents ? »
Mais c’est aussi, un outil de dialogue entre les professionnels et le conseil de vie sociale, qui représentent les résidents.
Cet exercice est le premier. Je souligne cependant que ce diagnostic sera actualisé chaque année ; il s’agit d’un processus continu d’évaluation et d’amélioration de la qualité. Et si les résultats n’étaient pas bons, me direz-vous ? je vous répondrais que le danger, c’est de ne pas savoir, et donc de ne rien faire. Si des auto-évaluations font apparaître des points à améliorer voire des risques, il faudra mettre en place immédiatement les actions correctrices. L’Etat sera là pour accompagner les établissements ; ils ne seront pas laissés seuls face à leurs difficultés.
Et si certains établissements ne jouaient pas le jeu ? je vous répondrais que la méfiance conduit à l’isolement, et que c’est se priver de l’aide des services de l’Etat que de taire les difficultés. C’est en faisant le pari de la confiance qu’on arrivera à une culture de la bientraitance.
Vous l’avez compris, ma démarche s’inscrit dans la durée, dans le quotidien des établissements et des pratiques. J’en veux pour exemple, deux mesures, auxquelles je tiens particulièrement.
=> D’ici la fin d’année 2009, des ateliers interrégionaux de formation pratique sont organisés par l’ANESM à destination de l’encadrement des établissements pour favoriser les démarches d’amélioration continue des pratiques ; plus de 5 000 professionnels en bénéficieront. Le comité de sélection se réunira le 28 mai pour retenir les meilleurs projets présentés par les professionnels ; je ne doute pas que la diffusion des recommandations sur la bientraitance, qui a été, je le rappelle, le premier travail de l’ANESM, ne soit au coeur de ces ateliers. Aujourd’hui, je peux vous annoncer le dispositif de formation à la bientraitance tel qu’il est finalement retenu.
J’avais annoncé que 20 000 personnes, seraient formées à la bientraitance, deux dans chaque établissement, et qu’elles rediffuseraient cette formation à l’ensemble des 250 000 professionnels du secteur en 3 ans. J’ai écouté les professionnels, visité des établissements ayant engagé une telle démarche, consulté les organismes collecteurs de la formation professionnelle, avec le souci de bâtir un dispositif adapté aux dynamiques locales:
- A partir de septembre 2009, au moins 30 000 cadres, administratifs, médicaux et soignants, -au moins un de chaque par établissement- seront formés localement par leurs pairs à l’outil Mobiqual-Bientraitance produit par la SFGG. L’outil actuel sera adapté par la SFGG et les professionnels d’ici la fin juin pour un début des formations à la rentrée. Je remercie Mme Ruault, déléguée générale de la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie (SFGG) et les professionnels qu’elle représente, pour leur contribution à l’amélioration des pratiques au travers de cet outil bientraitance et plus largement du projet Mobiqual que je soutiens.
- Ces cadres sortiront de cette formation avec un DVD, dont Mme Ruault va vous présenter un extrait « 24 heures de la vie d’un EHPAD » et d’un guide de l’animateur qui leur permettra d’animer une « journée de mobilisation à la bientraitance » dans leurs établissements. Lors de cette journée, les professionnels identifieront concrètement des objectifs d’amélioration et des actions opérationnelles à mettre en oeuvre pour les atteindre.
- Parallèlement, avec les organismes professionnels collecteurs de la formation profesionnelle (OPCA), l’offre de formation aux techniques de la bientraitance sera développée sur la base d’un cahier des charges concerté, avec les représentants des établissements notamment. Apres une phase d’expérimentation nécessaire, le dispositif sera diffusé à l’ensemble des personnels.
=> Dès 2009, la CNSA subventionnera la SFGG pour son action et soutiendra l’élaboration du cahier des charges des formations aux techniques de la bientraitance et son expérimentation avec les OPCA et les fédérations d’établissements. Elle accompagnera ensuite financièrement la diffusion de ces formations en direction de l’ensemble des personnels concernés, dans le cadre de conventions avec les OPCA. L’enveloppe finale sera affinée en fonction des résultats de l’expérimentation menée , le coût final de la formation de ces personnels peut être évalué autour de 132 M€.
Voilà ce que je voulais vous dire sur les échéances à court terme qui témoignent de la mobilisation de tous pour améliorer la prise en charge de nos ainés. Il s’agit de passer de la lutte contre la maltraitance, à la promotion de la bientraitance. J’avais souhaité faire ce point dans l’établissement pour personnes âgées de Jouarre, au milieu des résidents et des personnels: ceux d’entre vous qui ont en tête le reportage de France 2 « les infiltrés » dans l’établissement de Saint Jean les Deux Jumeaux comprennent pourquoi. Le débat au Sénat sur la loi HPST, intense et fructueux, m’a obligé à différer ma visite. Quelques mots néanmoins sur Jouarre. Grâce à la mobilisation de chacun, beaucoup a été fait:
- Le site de Saint Jean est désormais désaffecté et les résidents pris en charge pour l’essentiel dans de nouveaux locaux
- Les effectifs ont été renforcés: 27 personnes ont été recrutées.
- Des formations à la "bientraitance" sont mises en oeuvre pour 60 personnes ; 18 personnes bénéficient d’une promotion professionnelle
- Le taux d’absentéisme a d’ailleurs diminué de 6,90%.
- L’élaboration d’un projet de vie centré sur les besoins des résidents et des personnels est engagée avec l’aide d’un cabinet d’audit extérieur.
- Et surtout, le dialogue avec les familles se noue: 150 familles ont été réunies le 30 mars dernier pour une présentation des nouveaux locaux.
Mais, beaucoup reste à faire:
- Le conseil de vie sociale doit être installé.
- Les effectifs sont à stabiliser, la gestion des plannings et des effectifs à améliorer, la prise en charge des résidents à adapter aux nouveaux locaux…
- Et surtout, le management de l’établissement doit être renforcé : c’est une condition déterminante.
En conclusion, je dirais que Saint Jean les Deux Jumeaux est pour moi emblématique: la maltraitance n’est pas une fatalité. Ni pour les résidents, ni pour les personnels. Et promouvoir la bientraitance est un travail collectif de chaque instant ; c’est une démarche légitime et exigeante pour les professionnels, les établissements mais aussi pour l’Etat. Il faut donc rester vigilant et sans cesse être à l’écoute, des établissements, des résidents, des familles et des personnels, pour ajuster les fonctionnements et les pratiques. C’est cela la bientraitance. Soyez assurés que je mets toute mon énergie au service de cette cause, pour que demain, chaque Français qui prend la décision d’aller en établissement ou de placer un de ses proches, soit en confiance. Les professionnels au service des personnes âgées le méritent. C’est un nouveau pacte entre les générations que nous sommes appelés à construire. Je vous donne rendez vous pour la prochaine étape, les assises de la bientraitance, donnez leur le maximum d’audience, vous contribuerez ainsi à améliorer la vie de nos concitoyens.»
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