Les petits frères des Pauvres luttent depuis plus de 60 ans contre les précarités, la maladie et l’isolement des personnes de plus de 50 ans. Aujourd’hui, l’association souhaite sensibiliser l’opinion publique sur un phénomène inacceptable et tabou dans notre société, un fléau qu’il faut ensemble condamner, la maltraitance des personnes âgées.
Un enjeu de santé publique et des droits de l’Homme
Maltraitance : un mot terrible qui désigne les violences de tout ordre qui peuvent s’exercer sur une personne. Le réseau international pour la prévention et la maltraitance des personnes âgées, l’INPEA définit ainsi ce fléau :
« Toute souffrance exercée sur un adulte âgé, mettant en danger le bien-être physique, émotionnel, spirituel ou social d’une personne. Les formes de maltraitance peuvent inclure, mais ne pas se limiter à des maltraitances physiques, sexuelles et émotionnelles, des abus financiers, la négligence, de l’intimidation, la domination, la discrimination, et l’auto - négligence. »
Les victimes
Selon l’Alma (association d’écoute aux victimes), les personnes les plus fragiles, en majorité des femmes (75%), plutôt âgées (en moyenne 79 ans) vulnérables, incapables de se défendre ou de réagir sont des victimes désignées (elles sont souvent dépendantes).
Les maltraitants
Même s’il est difficile de distinguer clairement les divers aspects de la maltraitance, physiques, psychologiques ou financiers, les petits frères des Pauvres qui accompagnent près de 8 000 personnes dans l’Hexagone, se préoccupent particulièrement des maltraitances financières, car bien des actes de malveillance et des violences physiques sont motivés par des intérêts matériels. Ils sont souvent d’origine familiale et proviennent aussi de l’entourage non familial de la personne à domicile ou en institution (le voisinage, les personnels soignants, les démarcheurs…). Ces malveillances financières sont souvent des actes à la limite de la légalité, discrets et invisibles, qui passent parfois inaperçus aux yeux des victimes âgées elles mêmes qui peuvent ne pas être en pleine possession de tous leurs moyens.
Dans les établissements d’accueil des personnes âgées, les maltraitances sont souvent la conséquence d’un manque de personnel et de moyens. Cette situation est inadmissible de la part de lieux de vie où les personnes doivent évoluer dans un environnement professionnel, apportant soins, sérénité et protection. Des maltraitances civiques (atteinte aux droits des personnes) sont également constatées dans les établissements.
Briser le tabou du silence
Susciter la parole des personnes âgées est la première étape pour agir contre les maltraitances. A l’issue du 8e congrès de l’association qui vient de se tenir à Paris, les 25 et 26 mai, les petits frères des Pauvres, qui sont engagés depuis dix ans dans une démarche d’alerte, vont renforcer leur dispositif national en créant des cellules locales de veille. Les bénévoles, acteurs de fraternité auprès des personnes âgées en institutions ou à leur domicile, par leur écoute et le dialogue, sortent les personnes de leur isolement et veillent à ce qu’elles gardent leur autonomie, leur pouvoir de décision et d’action.
Les petits frères des Pauvres ont créé une ligne téléphonique «du cœur à l’écoute», à la disposition des personnes de plus de 50 ans pour briser leur solitude : 0 810 47 47 88 (n°Azur). L’écoute anonyme (ouverte tous les jours) est assurée par des bénévoles spécialement formés.
Le travail en réseau avec des partenaires, dont Alma ou les associations de consommateurs, a permis de venir aide à des dizaines de personnes. Le travail de sensibilisation des acteurs mais aussi des personnes âgées demeure un objectif prioritaire pour l’association.
Prévenir les maltraitances et agir
Les petits frères des Pauvres exigent :
- que la justice réprime durement les abus et maltraitances graves commis sur des personnes en situation de faiblesse,
- que les établissements d’accueil des personnes âgées puissent disposer des moyens suffisants pour non seulement éviter la maltraitance mais pour s’orienter résolument vers la bientraitance prenant en charge la personne âgée dans sa globalité ;
- que les établissements soient plus ouverts à la présence des bénévoles d’associations.
Les petits frères des Pauvres vont continuer à témoigner des situations inacceptables rencontrées sur le terrain, à répondre aux problèmes et à alerter sur la nécessité d’agir collectivement, car la maltraitance se pratique quel que soit le milieu social et recouvre une grande diversité de situations. Ils vont également amplifier leur dispositif d’écoute téléphonique.
Ils souhaitent aussi renforcer leur présence au sein des établissements d’accueil et de soins car la présence des bénévoles est absolument primordiale pour la prise en compte de la personne humaine dans sa globalité, pour la reconstruction des liens d’échange intergénérationnels et pour le bien-être de la personne âgée.
Quelques exemples d’intervention des petits frères des Pauvres
Ecouter et informer
Alice, une bénévole nantaise des petits frères, accompagne depuis deux ans, Marthe 85 ans. Lors d’un séjour à l’hôpital, la vieille dame se lie d’amitié avec une voisine de chambre : elles sont bientôt inséparables. Chaleureuse, Anna « est toujours prête à rendre service ». Elle a vite fait de se rendre indispensable au point qu’elle s’installe dans l’appartement de Marthe, qui paraît tout à fait décidée à le partager avec la jeune femme !
La vigilance de la bénévole a permis de déjouer les plans de la jeune femme. « Grâce à la démarche concertée des différents acteurs entourant Marthe, explique Marie-Pierre Bernier, référente de l’équipe Témoigner-Alerter, nous avons pu stopper les agissements frauduleux de la jeune femme. Marthe a été très perturbée. Elle a aujourd’hui retrouvé un certain équilibre. » « Certaines situations, observe-t-elle, un décès, une entrée à l’hôpital, un passage dépressif, fragilisent les aînés qui peuvent alors être la proie de personnes mal intentionnées. »
Voilà pourquoi l’équipe nantaise petits frères projette, outre la sensibilisation des bénévoles, d’organiser des séances d’information pour les personnes accompagnées, lors des accueils à la journée. Ces séances seraient organisées avec des partenaires réguliers de l’association, tels que l’Union fédérale de consommateurs-Que Choisir ? ou le Bureau d’aide aux victimes des services de la police.
Le devoir de mémoire
M. T. décède le 30 juin 2005. Après le décès, sa famille alerte les petits frères des Pauvres, institués légataires universels, de la découverte de différents documents qui donnent à croire que M. T. aurait pu être victime de « racket ». Des sommes importantes ont été débitées. Des notes manuscrites confirment que des pressions ont pu être exercées sur le testateur. Le service donations et legs de l’association étudie alors la possibilité de poursuivre en justice les personnes qui ont racketté M. T. « Nous devons faire en sorte que M. T. retrouve ses droits, même à titre posthume, estime Dominique Gaston-Raoul, responsable des relations avec les testateurs au sein des petits frères des Pauvres. Nous avons un "devoir de mémoire" envers celui qui nous a fait confiance, ce qui veut dire que nous ne devons jamais laisser impunis des faits délictueux dont nous aurions connaissance commis envers nos testateurs. »
Maltraitance des personnes âgées : que faire ? Des organismes sont là pour vous aider en cas de maltraitance d'une personne âgée.