La réanimation médicale - dont le coeur de métier est la prise en charge des défaillances multiviscérales – est par essence à l’interface de plusieurs disciplines, dont la pneumologie et l’hématologie.
Sur le terrain, cela se traduit par de nombreux échanges avec ces spécialités et par une étroite collaboration entre sociétés savantes en matière de recherche et de pratique hospitalière.
De plus, les services de réanimation admettent quotidiennement des patients en provenance des services spécialisés de l’hôpital, et se trouvent de fait au carrefour de l’institution hospitalière même, en position privilégiée de révélateur des dysfonctionnements du système, notamment en période de tension de flux.
Selon Bertrand Guidet et Aude Soury-Lavergne de la SRLF Société de réanimation de langue française.
L’évolution démographique et l’amélioration de l’espérance de vie nous conduisent à admettre de plus en plus de personnes âgées en réanimation médicale, malgré les restrictions budgétaires auxquels tous les services de l’hôpital sont soumis.
L’analyse des données disponibles (base CUB-REA, Collège des Utilisateurs de Base – Réanimation) fait ressortir qu’en dix ans, la médiane d’âge des patients admis dans les services de réanimation a augmenté de cinq ans alors que dans le même temps l’espérance de vie n’augmentait que de 2,5 années. Les patients admis de plus de 80 ans sont plus « sélectionnés » et moins traités que leurs aînés et présentent plus de limitations fonctionnelles, de maladies sous-jacentes mortelles à court terme et moins de co-morbidités. Les deux premiers critères, - l’état fonctionnel et la maladie sousjacentes – sont d’ailleurs des facteurs de risques importants pour le pronostic de la survie à long terme après un passage en réanimation.
Aucune directive anticipée et très peu d’informations détaillées nuisent à la prise de décision qui se fait dans l’urgence, souvent avec des difficultés pour obtenir le consentement aux soins.
Sur le terrain, ces éléments d’impact sont multiples:
- disponibilité des lits en réanimation (étude prospective sur 4 mois à l’hôpital St Antoine: près de 7 % des lits étaient occupés par des patients qui étaient considérés comme «sortables», alors que des patients ne pouvaient pas être admis du fait de l’absence de lits disponibles.)
- les contraintes financières ;
- l’absence de techniques disponibles ;
- la sévérité des patients et, plus globalement, leur évaluation gériatrique ;
- le désir du patient et de sa famille, auquel les médecins accordent beaucoup d’importance.
Avec des taux de refus pouvant varier de 1 à 5 sur le territoire national.
Dans ces conditions, il est évident que la décision d’hospitaliser ou refuser un patient âgé peut avoir des conséquences importantes, pour lui et pour la société. Cette décision doit être prise en fonction du principe éthique de justice redistributive, par lequel on cherche à identifier les patients qui bénéficieront le plus du traitement. La décision idéale devrait être éthique, équitable, non biaisée et transparente et surtout être homogène d’un centre à un autre.
De même, la décision d’admission en réanimation pourrait être facilitée par l’élaboration d’une liste de situations pathologiques relevant d’une indication d’admission en réanimation qui tienne compte des spécificités des sujets âgés.
Or, il n’existe actuellement aucune recommandation pour cette population particulièrement fragile. Il n’existe pas d’étude prospective évaluant le bénéfice de la réanimation pour cette catégorie de patients.
Une étude multicentrique (ICE-CUB) regroupant 15 hôpitaux, porte sur l’observation sur 12 mois des admissions en réanimation des patients de plus de 80 ans, en provenance du service des urgences.
- l’analyse des résultats à distance avec un suivi 6 mois après le passage au SAU permettant de relever les décès et d’évaluer la qualité de vie et l’autonomie des patients vivants.
-une approche globale où la perspective n’est pas seulement la réanimation mais l’hôpital dans son ensemble, c’est-à-dire l’analyse de la réponse de l’institution hospitalière à la demande d’hospitalisation de personnes âgées avec un pronostic vital potentiellement en jeu.
Les patients ont en moyenne 87,4 ans, sont principalement des femmes (62,6%) ; une large majorité (78,5%) vit à domicile, seul 24% des patients vivant en couple.
Parmi les informations permettant de caractériser les patients (niveau d’autonomie / présence ou absence de maladie invalidante/ démence / nombre connu de médicaments du patient/ gravité / incapacité à s’exprimer), les données manquantes sont rares. Il est important de noter que souvent, le patient n’a pas d’opinion quant à l’hospitalisation: ce dernier résultat illustre le décalage existant entre le déclaratif – les médecins jugent qu’il est important de demander l’avis du patient et de la famille – et la réalité de ce qui est fait au moment de la prise de décision.
Résultats: grossièrement, sur 8 patients inclus, deux étaient proposés aux réanimateurs par les urgentistes, dont un seul finalement admis en réanimation. Le taux de proposition en réanimation le plus élevé correspond à l’indication "Insuffisance respiratoire avec intubation imminente".
- les patients préférentiellement proposés pour une admission en réanimation sont des hommes, jeunes, chirurgicaux et vivant au domicile.
- Il existe une très grande hétérogénéité des pourcentages de proposition et d’acceptation d’un centre par rapport à un autre, ce qui souligne la nécessité d’harmoniser les pratiques et fera l’objet de travaux futurs.
- l’absence d’information (données manquantes) nuit à la proposition d’admission. En d’autres termes, une personne âgée pour laquelle il n’a pas été possible de recueillir ces informations sera moins souvent proposée pour une admission en réanimation.
- l’âge est un facteur indépendant de non proposition ainsi que la perte d’autonomie.
Les patients âgés de plus de 80 ans admis en réanimation sont considérablement sélectionnés. Ce processus de tri intervient à deux niveaux, avec 75 % des patients non proposés par les médecins urgentistes. Parmi les patients proposés, seuls 50 % sont finalement admis. Le taux de refus varie considérablement d’un hôpital à un autre, ce qui justifie d’établir des recommandations consensuelles afin d’harmoniser les pratiques et d’éviter le double écueil d’une sous-utilisation mais aussi d’une sur-utilisation des services de réanimation.Une nouvelle rubrique dédiée aux produits et solutions d'hygiène et de santé pour les personnes âgées et les séniors