La durée de la vie s'accroît, la population des seniors explose et, avec elle, les besoins en soins adaptés au vieillissement et à la fin de vie : la question du développement des soins palliatifs, bien qu'urgente, reste éludée. Face à l'illusion de toute puissance de la médecine et à la tendance de notre société au déni de la mort, le Pr F. Stiefel publie un livre d'actualité, au lendemain de la 3ème Journée Mondiale des Soins palliatifs, et ouvre le débat sur le véritable sens d'une prise en charge globale du patient, à la fois médicale, psychologique et sociale, en cette ultime étape de la vie.
Paradoxe de la médecine moderne, symptôme d'une société en crise
En Europe(2), l'espérance de vie atteint 75 ans pour les hommes, 81 ans pour les femmes, et les plus de 60 ans représenteront un tiers de la population d'ici 2020. Cette évolution est en partie le résultat des progrès de la médecine mais, paradoxalement, notre société considère souvent comme un échec l'impuissance de la médecine devant la maladie incurable, le vieillissement et la mort.
Or, refuser d'assumer les limites de la médecine revient à occulter le quotidien de millions de nos concitoyens et nier une part essentielle de notre vie, constitutive de notre humanité même, avec ses faiblesses mais aussi ses richesses propres.
Ce paradoxe est le symptôme d'une société en crise, qui prône l'épanouissement de l'individu dans toutes ses dimensions, psychologiques, sociales et spirituelles mais néglige les besoins des personnes gravement malades ou mourantes et ceux de leurs proches.
L'ouverture d'une voie nouvelle : les soins palliatifs
Quand l'objectif n'est plus de guérir mais d'accompagner le patient jusqu'à son décès, les repères habituels de la médecine sont brouillés. Il faut attendre les années 1960-1970 pour commencer à voir se développer en Europe une nouvelle approche de la médecine confrontée à la fin de vie : les soins palliatifs(3) apparaissent comme des soins actifs pour lutter contre la douleur et les autres symptômes, sans hâter ni retarder la mort du patient. Ils découlent d'une approche globale de la personne malade, intégrant les aspects psychologiques, sociaux et spirituels pour lui assurer jusqu'au bout la meilleure qualité de vie possible.
Au lieu d'un savoir et savoir-faire centrés sur la pathologie, la médecine est alors amenée à reconnaître les limites de ses traitements « curatifs » pour se tourner vers les besoins spécifiques du patient en fin de vie et laisser ainsi place aux soins « palliatifs ».
Dans ce contexte, le rôle de chacun est revisité, médecins et soignants (infirmières, kinésithérapeutes, psychologues...) collaborant avec les proches, les accompagnants, les assistantes sociales... mais, parce que les ressources tant humaines que financières sont elles-mêmes limitées, la médecine des soins palliatifs ne cesse de se réinventer, au plus près des besoins du patient et au plus juste des moyens à sa disposition.
Ecrire la vie aux confins de la médecine
Le but du présent ouvrage est donc de repenser la pratique de la médecine et d'expliquer, de façon pédagogique, comment les soins palliatifs permettent de soulager la souffrance et de préserver la dignité de ceux qu'elle ne peut plus guérir mais continuer d'accompagner, depuis l'annonce du diagnostic jusqu'à la mort.
C'est ce parcours de réflexion, ancré dans la réalité de sa pratique clinique, que retrace ici le Pr F. Stiefel, soucieux de le rendre accessible à un public diversifié, car la question des soins palliatifs concerne la société dans son ensemble et, un jour ou l'autre, chacun en particulier.
1 : Friedrich Stiefel, Soins palliatifs : une pratique aux confins de la médecine. Collection « Pratique et Ethique médicales », Editions L'Harmattan, Paris, 2007.
2 : source Eurostat.
3 : définition des soins palliatifs selon l'OMS (cf. http://www.caducee.net/DossierSpecialises/soins-palliatifs/soins-palliatif1.asp accédée le 08/10/2007).
A propos du Pr F. Stiefel :
Friedrich Stiefel, médecin diplômé de la faculté de médecine de Zurich, spécialisé en psychiatrie et psychothérapie, est Chef du Service de Psychiatrie de Liaison au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV). Consultant pendant plusieurs années à la Division de Soins Palliatifs et professeur à la Faculté de Biologie et Médecine de l'Université de Lausanne, il a travaillé sur les aspects psycho-sociaux des patients souffrant de maladie somatique. De 1999 à 2005, il fut le président de la Société Suisse de Médecine et de Soins Palliatifs (SSMSP) et, en 2004, élu Vice-Président de la Ligue Suisse Contre le Cancer.
Le livre
En tant que psychiatre de liaison et ancien président de la Société Suisse de Médecine et de Soins Palliatifs, l'auteur décrit le parcours du patient gravement malade et mourant. La dégradation du corps, les souffrances physiques et psychologiques, le diagnostic de phase terminale sonnant comme un verdict et la mort sont des réalités aujourd'hui très présentes dans nos systèmes de santé. Le mouvement des soins palliatifs s'est fait le porte-parole de cette nouvelle mission médicale qui, s'opposant à la médecine curative, a pour objectif la prise en compte des personnes incurables et en fin de vie, refusant également la notion d'une vie « qui ne vaut pas la peine d'être vécue », considérée comme indigne par les partisans de l'euthanasie.
Hormis le propos concernant la prise en charge médicale des patients, il aborde quelques réflexions sur sa pratique quotidienne et invite le lecteur à réfléchir sur les questions de fond que posent les choix politiques en matière de santé et, en particulier, les rapports que notre société entretient avec la mort. Il s'adresse à un public diversifié comprenant à la fois les professionnels de la santé et de la médecine et tous ceux qui sont concernés ou intéressés par ses implications sociales.
Introduction
L'émergence et le développement des soins palliatifs répondent à trois principes : le respect des limites médicales, la globalité du patient* incluant ses dimensions psychologique, sociale et spirituelle et la nécessité d'un travail interdisciplinaire apte à garantir la meilleure qualité de vie possible pour les personnes gravement malades et en fin de vie.
A l'origine, soins palliatifs et médecine se séparent - l'attitude scandalisée des premiers répondant au comportement acharné de la seconde. Pendant ce temps s'est forgée « l'identité palliative » qui, aujourd'hui, se « médicalise », intégrant les bienfaits du progrès médical. Les soins palliatifs entendent désormais s'inscrire en tant que discipline à part entière au sein de la médecine. Experts dans le traitement des symptômes tels que la douleur, le soulagement de la détresse psychique ou le soutien social, familiers des besoins existentiels de leurs patients, ils se révèlent capables d'affronter ce qui, trop souvent, est perçu comme un échec : l'évolution fatale de certaines maladies.
Les soins palliatifs connaissent un succès croissant. Cette réalité, nous la lierons à l'idée d'une médecine en crise, submergée par un savoir et par un savoir-faire presque ingérables, ayant scotomisé les besoins de patients qui, souvent, ne se reconnaissent plus comme des sujets malades mais en tant que porteurs de pathologies à traiter.
"Les soins palliatifs", symptôme d'une médecine malade ?
Notre société, prompte à célébrer progrès, efficacité, succès, jeunesse et beauté, répugne de manière inquiétante à reconnaître la maladie, le vieillissement et la mort comme parties intégrantes de la vie. En se tenant toujours plus à l'écart de sentiments dits « négatifs », elle se place dans l'impossibilité de supporter les situations d'impuissance ou de deuil. Acculée entre guérison et euthanasie, quel espace saura-t-elle s'accorder de façon à penser l'existence humaine dans toutes ses dimensions ?
Nous pouvons encore formuler cette question cruciale ainsi : à l'instant où la médecine se voit confrontée à une limitation des moyens financiers mis à sa disposition, les soins palliatifs ne doivent-ils pas leur développement à la nécessité de récupérer les incurables et de répondre principalement aux besoins d'une société affolée, criant son désir de sécurité et de prise en charge totale ? Ne seraient-ils qu'une sorte de supermarché mettant à disposition ses spécialistes de l'accompagnement total afin de noyer toute violence ; de réduire au silence les bruits de la déchéance, de la séparation, de la souffrance et de la mort ?
Des soins palliatifs ou : comment mieux se débarrasser de ses grands malades, de ses vieux et de ses mourants ?
Cet ouvrage traite de ces interrogations. Mais l'idée de l'écrire découle d'abord du souci de familiariser le lecteur à une discipline médicale encore trop peu connue qui a permis d'approcher, de comprendre et de transmettre ce que vit une personne traversant plus ou moins longuement une maladie grave jusqu'à sa mort. Cette discipline - qui aujourd'hui se situe au cœur des débats relatifs à la prise en charge des patients incurables et des mourants, mais aussi à l'euthanasie - s'avère inaccessible à la plupart des gens.
Les soins palliatifs seront ensuite présentés comme outil susceptible de « repenser » la médecine, capable de trouver de nouvelles approches plus adaptées aux besoins des patients et de leur entourage. Aujourd'hui, face à l'augmentation vertigineuse des coûts de la santé et à l'obligation qui nous est faite - à défaut de "tout faire" - de nous concentrer sur ce qui est le plus sensé à proposer. Il s'agit en somme, pour les soins palliatifs, d'une autre manière de pratiquer la médecine.
Les pages qui suivent s'articulent autour des épreuves que traverse un patient gravement malade, depuis l'annonce du diagnostic jusqu'à sa mort. L'analyse de ce processus, illustré au moyen de vignettes cliniques, s'accompagne d'une réflexion sur la médecine et les soins palliatifs. Le but principal de l'exercice : expliquer ce que les soins palliatifs peuvent offrir afin que la souffrance des patients, tout comme celle des proches, demeurent supportables... et que la dignité de l'être humain soit préservée.
Qu'un tel exposé puisse contribuer à ce qu'identité et objectifs des soins palliatifs continuent d'être pensés et débattus !
* « Le patient », « le médecin », etc. font référence à des individus des genres masculin et féminin.
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