Sexualité des personnes dépendantes

un débat public pour traiter un sujet tabou

Publié le 25 juin 2013

Pierre-Yves Chamla a engagé depuis plusieurs mois un véritable combat sur la transparence dans le secteur de la dépendance. Fort de son expérience dans l’aide à domicile aux personnes dépendantes, Pierre-Yves Chamla propose l’ouverture d’un débat public sur le sujet de l’accès à la sexualité des personnes en situation de dépendance. En collaboration avec l’ensemble des parties prenantes, l’objectif de ce débat public serait de trouver les solutions pour débloquer une situation devenue intenable autant pour les personnes concernées que pour leurs proches et les professionnels qui les entourent.

 

L’accès à la sexualité des personnes en situation de dépendance reste aujourd’hui un sujet tabou. Certains pays européens comme l’Allemagne, la Suisse ou les Pays-Bas, ont su répondre à la souffrance sexuelle des personnes en situation de dépendance en adaptant leur législation et en créant le statut d’assistant sexuel. Cette pratique est, en France, assimilée à de la prostitution ou à du proxénétisme. Sans préjuger des réponses possibles et pertinentes, Pierre-Yves Chamla, propose de porter ce débat sur la place publique et de réfléchir à un cadre juridique et réglementaire qui serait davantage en prise avec les réalités d’une situation devenue difficile pour tous les acteurs du secteur.

 

  • C’est une maltraitance et une violation pure et simple des droits élémentaires des personnes dépendantes que de leur interdire l’accès à la sexualité

 

La sexualité des personnes âgées dépendantes comme des personnes handicapées n’est pas acceptée et demeure encore tabou en France. Toutes actions pour la bientraitance et le développement d’activités spécifiques aux personnes dépendantes doivent contribuer à leur bien être chez elles, là où elles se sentent le mieux. Ce respect et cette dignité passent donc aussi par la reconnaissance des besoins affectifs et sexuels des personnes dépendantes. Le cadre juridique et réglementaire français est à la source des souffrances sexuelles des personnes fragilisées. L’empêchement de légaliser des formes d’accès à la vie affective et sexuelle des personnes dépendantes constitue une vaste hypocrisie et favorise depuis longtemps des pratiques illicites telles le recours à la prostitution ou à des proches de la famille (et le plus souvent aux aidants professionnels) afin de soulager les personnes en souffrance sexuelle.

 

  • Les proches et les aidants professionnels sont désemparés et démunis face à cette détresse sexuelle des personnes dépendantes

 

Alors que le Comité National d'Ethique a refusé en mars 2013 de faire de l'aide sexuelle une « situation professionnelle comme les autres en raison du principe de non utilisation marchande du corps humain", la situation reste compliquée aux yeux des professionnels du secteur. Souvent niée, la sexualité des personnes les plus fragiles existe bel et bien. Le refus

 

de l’intimité, la non mise à disposition de chambres doubles ou d’aménagements dans des établissements accueillant des couples en situation de dépendance sont autant de formes de maltraitance.

Aujourd’hui, des associations se prononcent en faveur de la mise en place de services d’aidants sexuels à l’image de ce qui a été fait en Suisse ou en Allemagne. Mais ils sont confrontés à un code pénal français qui protège les personnes handicapées en sanctionnant les abus sexuels sur les personnes vulnérables, la prostitution et le proxénétisme. Il est donc temps de penser à une refonte totale de la législation. A l’heure où la question de la bientraitance des personnes en situation de handicap est mise sur la table, il est urgent d’établir un dialogue transparent entre les différentes parties prenantes et d’imaginer les solutions de demain : définir un nouveau cadre juridique pour répondre aux manques et aux souffrances sexuelles subies par des personnes handicapées et dépendantes et leur permettre d’accéder à l’intégrité corporelle et à leur droit de santé sexuelle comme le reconnaît l’OMS.

 

Le témoignage d’une aidante professionnelle permet de mettre en lumière cette question de la sexualité des personnes en situation de dépendance : « Accompagner quotidiennement des jeunes adultes en situation de handicap m’a fait apparaitre des « tabous sociétaux » et notamment le concept de sexualité. Les familles, les professionnels mais surtout les personnes concernées semblent démunis et en manque de réponses.

Que faire lorsqu’un jeune homme ne cesse de baisser son pantalon lors des sorties à l’extérieur du centre en commençant à se masturber en pleine rue ? Lui indiquer que cela relève de l’intime ? Que ces gestes doivent rester dans sa chambre ?

Dans quelle mesure ces paroles peuvent elles laisser une trace du fait de ses difficultés ?

Il m’était difficile d’aborder ce sujet avec ses parents car ceux-ci fondaient en larme à la simple énonciation de ce qu’ils nommaient « problème ». Cette simple histoire n’est pas isolée, elle met en exergue une volonté de « normaliser » des comportements et des manifestations humaines mais qui ne peuvent pas être appréhendées d’un point vue individuel. La sexualité des personnes en situation de handicap est un sujet à part entière dans l’accompagnement éducatif que nous devons proposer afin d’éviter des mises en danger, des situations complexes et inadaptées. Quand prendrons nous conscience qu’une déficience ou un handicap ne génère pas des personnes asexuées ? »


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