« Le secteur associatif de l'action sociale et médico-sociale ne s'est sans doute jamais autant trouvé sous les projecteurs gouvernementaux, que ce soit sous l'appellation « économie sociale et solidaire » ou « secteur non lucratif »
Une loi consacre les employeurs de l'économie sociale et solidaire comme partie prenante du dialogue social, et leur reconnaît un rôle essentiel à jouer dans la construction et la mise en place des politiques publiques en France.
Un rapport parlementaire met en exergue la spécificité du non lucratif en matière de fiscalité et l'identifie ainsi comme une cible pour le futur pacte de responsabilité.
À chaque fois, les pouvoirs publics soulignent l'importance de notre secteur, quelle que soit l'appellation retenue, pour définir ce qui n'est pas inclus dans l'économie dite « classique » - le secteur marchand.
Une autre façon d'entreprendre est acceptée et entérinée, et ses représentants peuvent participer à la vie politique, sociale et économique de notre pays.
Pourtant, cette reconnaissance est fragile et incomplète.
Fragile car elle n'est pas encore suffisamment ancrée dans le paysage politique et médiatique pour être à l'abri d'un retournement de situation.
Incomplète, car l'écosystème qui se dessine n'identifie pas encore clairement la place de notre branche professionnelle en son sein.
Quatre enjeux apparaissent pourtant aujourd'hui :
- l'effectivité tout d'abord de la reconnaissance des employeurs de l'économie sociale et solidaire.
Si celle-ci est inscrite dans la loi qui va être votée sur la représentativité patronale, sa réalité dépendra du seul jeu des acteurs en place, tant du côté des partenaires sociaux (syndicats de salariés et organisations patronales) que des politiques.
Il va donc s'agir de livrer bataille pour forcer notre rôle reconnu par la loi, et gagner peu à peu véritablement notre place aux côtés des acteurs historiques.
- la finalisation ensuite du projet de loi sur l'économie sociale et solidaire.
Repoussée par calcul ou en raison de l'encombrement parlementaire, elle tarde à se concrétiser.
Il faut donc s'assurer qu'elle soit votée avec un contenu qui ne s'écarte pas du projet originel.
Au-delà, il faut être vigilant sur les suites que pourra lui donner le gouvernement : quels décrets d'application, quels moyens, quelle administration pour mettre en oeuvre les dispositifs prévus ?
On peut même se demander si la loi ne sera pas le seul et dernier acte au bénéfice de l'économie sociale et solidaire, et si ce ministère dédié ne sera pas remis en cause dans le prochain remaniement ministériel...
Sa disparition, même au bénéfice d'un secrétariat d'État ou d'une délégation ministérielle, serait un signal funeste adressé à notre secteur et une menace pour sa reconnaissance.
- la réflexion autour de la non lucrativité.
Celle-ci semble mener nulle part, et les pouvoirs publics sont ambigus dès qu'il s'agit d'appréhender la spécificité du non lucratif.
N'oublions pas que la non lucrativité n'est plus pour le gouvernement un marqueur identitaire de l'économie sociale et solidaire (voir la définition retenue dans le projet de loi et l'idée de lucrativité limitée).
N'oublions pas non plus que l'une des propositions du rapport des quatre parlementaires sur la fiscalité du non lucratif prévoit des conventions collectives uniques par secteur, réunissant lucratif et non lucratif.
Bref, la non lucrativité semble se réduire à sa dimension fiscale, au détriment de son rôle identitaire.
- enfin, la place de la branche du sanitaire, social et médico-social à but non lucratif.
Si l'économie sociale et solidaire est une notion maintenant identifiée par les acteurs ministériels, le secteur social et médico-social à but non lucratif semble, lui, disparaître peu à peu de l'action gouvernementale.
La direction générale de la Cohésion sociale (DGCS), principale direction centrale en charge de notre secteur (et notamment de l'agrément des accords collectifs), est effacée, et ne le porte guère dans les différents arbitrages qui le concernent.
Le ministère des Affaires sociales et de la santé est beaucoup plus concentré sur la seconde que sur les premières, laissant là encore le secteur dans l'expectative quant à son avenir.
Cette indifférence ne peut que susciter méfiance et questions.
Rien n'est donc acquis.
Ces enjeux sont autant de défis pour le Syneas.
Car les réponses aux questions posées n'appartiennent pas uniquement aux pouvoirs publics : elles dépendent aussi du positionnement et du volontarisme des acteurs concernés.
Notre syndicat employeur a donc non seulement la possibilité de participer à la réflexion, mais aussi et peut-être surtout la responsabilité d'initier et de poursuivre l'action.
Pour ce faire, deux démarches complémentaires doivent être menées de front :
- le Syneas doit poursuivre son investissement dans l'économie sociale et solidaire, pour dépasser la seule constitution de l'UDES et participer activement aux débats politiques, médiatiques et sociétaux qui concernent notre environnement.
Nous avons créé l'UDES avec d'autres pour faire exister et promouvoir une autre façon d'entreprendre, en plaçant l'économique au service de l'humain et du social. L'UDES n'est pas une fin en soi, c'est un moyen au service d'une finalité.
Il faut par conséquent faire vivre cette union, avec ses valeurs et ses idées, et la développer en convaincant de nouvelles organisations professionnelles d'y adhérer.
Le Syneas y travaille, pour rendre l'union plus forte et plus à même de relever les défis qui l'attendent.
Ceux-ci imposent à l'UDES de se forger une capacité de proposition et d'action pour prendre pleinement la place qui lui est promise.
Pour ce faire, elle ne peut se satisfaire de discours ou de principes : elle doit travailler pour devenir crédible sur tous les sujets employeurs sur lesquels elle va être interrogée et veut intervenir.
Fiscalité, chômage, protection sociale, autant de thématiques parmi d'autres qui nécessitent une expertise spécifique pour prendre part aux politiques publiques concernées. Sans cette concrétisation, sans cet investissement, sans cet effort, l'UDES n'est qu'un projet inabouti.
Au Syneas, avec les autres composantes de l'union, de passer à l'étape suivante et de permettre à l'UDES de devenir un acteur majeur du dialogue social, seul à même de placer les employeurs de l'économie sociale et solidaire au coeur des politiques publiques.
- il faut forcer les débats sur l'avenir de la branche, pour interroger son évolution et les conditions de son développement, voire de sa survie.
Car c'est bien de survie dont il s agit : le législateur, relayé par la direction générale du Travail, a explicitement posé l'équation branche = convention collective unique étendue.
Cette équation met hors jeu notre branche telle qu'elle est actuellement organisée.
Le choix est donc simple : pour maintenir cette branche et l'inscrire dans l'environnement prescrit par les pouvoirs publics, il faut la doter d'une convention collective unique étendue.
Sinon, elle perdra sa capacité de négociation, en abandonnant le dialogue social aux seules conventions collectives existantes.
La chance du Syneas est d'avoir un objectif clair, identifié depuis longtemps, et réaffirmé à plusieurs reprises par les adhérents dans les assemblées générales : la convention collective unique étendue est une nécessité et une évidence, et doit constituer un objectif prioritaire à moyen terme.
Dans cette attente, il faut faire évoluer les conventions collectives existantes vers l'objectif final : un environnement commun.
La méthode de travail du Syneas a toujours été de favoriser l'action, en recherchant les partenaires susceptibles de partager ses ambitions et son volontarisme.
Cela a permis la création de l'UDES. Faisons de même au niveau de la branche professionnelle, pour donner toute sa place au sanitaire, social et médico-social à but non lucratif.
Rassemblons ceux qui veulent travailler avec nous pour donner un avenir au secteur, et construisons avec eux un projet conventionnel concret et crédible. »
Philippe Launay,
Président du Syneas