Allocution de Xavier Darcos, le 15 octobre 2009, aux des 3èmes rencontres parlementaires sur la dépendance et le grand âge :
« Grand âge : maintenir et restaurer l'autonomie »
Madame la présidente, [Bérengère Poletti] Monsieur le président, [Denis Jacquat] Mesdames et messieurs les parlementaires, Mesdames et messieurs,
C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai répondu à votre invitation à venir clôturer ces troisièmes rencontres parlementaires sur la dépendance et le grand âge. J’estime qu’il est important que la représentation nationale se saisisse de ce sujet et je vous remercie de m’avoir proposé d’y réfléchir avec vous.
La dépendance, chacun d’entre nous en a une expérience individuelle.
Chacun d’entre nous ressent le même désarroi quand un être cher, l’âge venant, ne peut plus se déplacer, n’est plus autonome et parfois même, comme on dit, n’a plus toute sa tête. Alors chacun tente d’y répondre au mieux, sur le mode de l’urgence, du « système D », de l’imperfection.
Pourtant la dépendance ne doit pas être un sujet individuel. C’est un sujet collectif : avec 2 millions de personnes de plus de 85 ans en 2015, et l’arrivée dans le grand âge des générations du baby-boom dès 2025-2030, la dépendance requiert des réponses globales. Ce n’est pas un enjeu pour demain ni pour après-demain, c’est un enjeu pour aujourd’hui.
En mai dernier, le président de la République a rappelé qu’il souhaitait que des décisions soient prises en 2010 pour améliorer la prise en charge de la dépendance des personnes âgées et handicapées. Les chantiers sont nombreux : développer les services aux aînés, accompagner l’aide familiale, alléger le coût des maisons de retraite, financer la perte d’autonomie… Avec Nora Berra, secrétaire d’Etat en charge des Aînés, qui est venue tout à l’heure s’exprimer devant vous, je suis prêt à en débattre avec tous les acteurs concernés. Il en va de notre conception de la solidarité et de la place que nous voulons donner aux plus fragiles dans notre société.
Le PLFSS pour 2010, que j'ai présenté hier en Conseil des ministres avec Eric Woerth et Roselyne Bachelot, témoigne de notre effort en faveur des personnes âgées dépendantes.
En dépit d’un contexte économique dégradé, le gouvernement a tenu à maintenir l’effort important de solidarité qu’il a engagé envers les plus fragiles, comme en témoigne le taux de progression de l’objectif national de dépense d’assurance maladie (ONDAM) médico-social de 5,8 %. Tous nos engagements en faveur des personnes âgées seront tenus. L’ONDAM médico-social augmentera de 9% pour les seules personnes âgées, soit 550 M €.
La mise en oeuvre du plan Alzheimer, qui est une des priorités du président de la République, se traduira par la création de 600 pôles d’activité et de soins Alzheimer (PASA) et de 140 unités d’hébergement renforcé (UHR) pour les personnes présentant les plus forts troubles du comportement, ainsi que d’équipes mobiles pluridisciplinaires.
En outre, nous poursuivons la création de places : 7 500 places nouvelles en maisons de retraite seront financées, soit 2 500 de plus que les objectifs initialement prévus, ainsi que 6 000 places de services de soins infirmiers à domicile (SSIAD).
En matière d’hébergement, vous le savez, la politique du gouvernement est fondée sur le principe fondamental du libre-choix. Les personnes âgées souhaitent, dans leur majorité, pouvoir vivre à domicile le plus longtemps possible et nous devons respecter ce choix. Les solutions qui ont été déployées jusqu’à présent ont produit des résultats puisque l’âge d’entrée en institution recule : il est maintenant en moyenne de 83 ans et six mois. Comme vous l’a détaillé Nora Berra ce matin, nous allons faire mieux encore en augmentant l’offre de services infirmiers à domicile.
Je pense également aux aidants familiaux auxquels, comme ministre en charge de la famille, j’accorde une attention particulière.
Les trois quart des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à domicile perçoivent une aide de leur entourage. Je connais leur dévouement sans relâche pour nos aînés les plus fragiles. C’est le mari ou l’épouse, ce sont les enfants ou les neveux qui consacrent en moyenne quatre heures par jour aux démarches administratives, aux courses, à la préparation des repas et à la surveillance de leur proche en situation de dépendance. C’est la raison pour laquelle je vais multiplier les solutions dites « de répit » – accueils de jour et hébergement temporaire – pour soulager les personnes qui assument la charge de soutenir leurs proches dépendants.
Cette charge est encore plus lourde quand il s’agit de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, qui touche un quart de la population de plus de 85 ans. Nous menons une action résolue dans le cadre du plan Alzheimer voulu par le président de la République. Cela fait partie de l’engagement durable du gouvernement dans la lutte contre cette maladie.
Quand le maintien à domicile n’est plus possible, j’ai bien conscience que le coût d’une place en établissement reste encore trop souvent un obstacle pour de nombreuses familles, notamment les plus modestes. Car si les personnes retraitées ont un niveau de vie comparable à celui des actifs, seul un résident de maison de retraite sur cinq dispose d’un revenu suffisant pour en supporter le coût.
Nous devons donc trouver des solutions pour améliorer cette situation et alléger le reste à charge pour les familles.
Il nous faut enfin assurer le financement pérenne de la perte d’autonomie. Trois leviers sont à notre disposition : la solidarité nationale, la solidarité familiale et la responsabilité individuelle. A mon sens, elle relève des trois.
La solidarité nationale doit continuer à s’exprimer vis-à-vis de nos aînés qui sont le plus dans le besoin. Elle doit rester le premier pilier du financement. Mais les finances publiques ne pourront à elles seules supporter tous les besoins liés au vieillissement de la population. La dépendance nécessite aussi de s’appuyer sur la prévoyance collective et individuelle, car c’est un risque qui peut être anticipé. La prise de conscience du risque de perte d’autonomie se développe en effet : c’est une inquiétude pour deux tiers des personnes de plus de 70 ans.
Les dépenses de dépendance se situent en outre en fin de vie, à la fin d’un cycle d’épargne. Comme le montrent les études sur le sujet, les jeunes retraités ont plus de patrimoine que les retraités les plus âgés. Poser la question de la solidarité familiale au moment de la transmission du patrimoine ne doit pas être tabou.
Quelles que soient les pistes que nous privilégierons au demeurant, il est un principe auquel ce financement devra répondre : celui de la justice sociale.
Je terminerai par un mot sur la prévention de la dépendance. Nora Berra vous a parlé des clés du bien vieillir. En tant que ministre du travail, je pense que nous pouvons aussi prévenir la perte d’autonomie tout au long de la vie en améliorant les conditions de travail. Nous avons de vraies marges de progression en ce domaine : les anciens ouvriers sont 2,5 fois plus dépendants que les anciens cadres du même âge. On sait aussi que certaines postures de travail, certains gestes répétitifs et certains efforts excessifs entraînent de l’arthrose ou des troubles musculo-squelettiques (TMS) qui peuvent conduire progressivement à la perte d’autonomie.
C’est pourquoi je veux développer une culture de prévention qui s’ancre au plus haut niveau du management. C’est un objectif majeur du deuxième plan santé au travail (PST) que je prépare avec les partenaires sociaux pour 2010-2014.
Mesdames et messieurs, le vieillissement de la population, qui est une chance, nous met dès maintenant face à un défi de taille. Ce défi, c’est celui d’accompagner au mieux les personnes en perte d’autonomie.
Au-delà des structures d’hébergement et des moyens financiers, c’est bien l’ensemble des modes de prise en charge que nous devons évaluer et améliorer, et c’est la personne humaine que nous devons mettre au centre du débat.
Je vous remercie.
Seul le prononcé fait foi
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